Tu sembles être le chef d’orchestre du groupe. Comment avez-vous composé ? A partir de jam sessions ? Quelle est la part d’écriture et d’improvisation (sur scène et sur le disque) ?

On compose toujours à partir des idées de Kim (guitare) ou de Sébastien (basse). Ils amènent un riff, puis on se pose tous dessus. Après, j’oriente un peu le chant avec des petites indications, quand c’est nécessaire. Puis, pour ce qui est de la grande forme des morceaux, là c’est moi qui leade, grâce à la batterie. Le Wild, c’est 50% de composé, 50% de free. On ne joue jamais le même morceau deux fois à l’identique.

Le free jazz psychédélique de Sun Ra, l’Art Ensemble of Chicago, le krautrock de Can et Amon Duul, ou le noise-rock des Swans semblent inspirer vos créations. Leur as-tu fait écouter ces musiques ? Y étaient-ils déjà familiers ? Ou vous inscrivez-vous dans  une approche « brute », détachée de références culturelles ?

Je ne leur ai pas fait spécialement écouter des trucs. On a écouté des choses ensemble bien sûr, quand on est dans le camion. Mais je n’ai jamais fait de « séances d’écoutes » à proprement parler. Je ne me suis jamais dis que j’avais besoin de les « éduquer » à ce niveau là. Pour répondre à ta question, l’approche est donc plutôt brute. Ce qui n’empêche pas qu’ils aient chacun leurs propres références musicales.

Comment les membres du groupe et leur entourage (institution, famille) perçoivent-ils cette expérience ?

Les membres du groupe sont ravis ! Mais ça a pris du temps pour eux, ainsi que pour leur famille, de se rendre compte que le projet avait dépassé le stade « atelier » pour prendre un aspect « pro », avec les engagements qui vont avec. Si tu chopes la grippe, par exemple, et qu’il y a un concert de prévu, il faut quand même jouer ! Mais maintenant, tout le monde a pris conscience de ce qu’on fait, donc tout se passe bien. Il y a eu tout un travail à ce niveau là pendant des années..

Quelles réactions observez-vous de la part du public et des médias ? Ne craignez-vous pas une catégorisation restrictive ou condescendante (art brut, art des fous, freak show) ?

Pour moi, un concert réussi du Wild, c’est quand le public va parler directement aux membres du groupe après un concert, et pas à moi. Ca montre que la barrière des préjugés, la peur de l’autre différent, est cassée. En général, c’est ce qu’il se passe. Pour les médias, je ne sais pas. Tout cela est assez nouveau. De toute façon, on assume pleinement qui on est, ce qu’on est. Ca fait partie intégrante du projet. Il n’est pas question ici de dissimuler le handicap. Au contraire, on veut le montrer, mais comme une force. Ca peut peut-être permettre de changer un peu les mentalités (à notre petite échelle). Après, si ça rassure les gens de nous mettre dans tel ou tel tiroir, moi ça m’est égal. Tant qu’on reconnait une qualité musicale et artistique à notre projet, au delà de la compassion pour le handicap, pour moi c’est gagné. Petite anecdote pour illustrer ce propos : le premier concert qu’on a fait en dehors du circuit art brut, était à Bruxelles, pour une organisation qui s’appelle QO-2 et qui est spécialisée dans les musiques nouvelles et improvisées. Pour moi, c’était le crash test. Je n’avais aucune idée de ce qu’on faisait, et je ne savais pas quelle allait être la réaction du public. Juste après le concert, je croise un gars du public qui m’accoste et qui me dit: « Moi tu sais, j’en ai rien à foutre qu’ils soient handicapés! Mais la musique était super !! » Voilà, je pense que c’est là que je me suis dit : on continue !