Chute. On attendait pas mal de ce premier album officiel du sieur V.L.A.D., petit prodige qui pouvait se targuer à une époque d’avoir signé sur Warp, le temps d’un Motion institute conquérant et quasi définitif. C’était avant qu’on parle de revival microcheap, de trend 8-bits, et déjà le Français atypique faisait parler son Atari et ses basslines dopées à la coke compressée avec une fougue booty hors du commun. On l’aimait aussi pour ses premières armes, en habits de feu heavy metal mélodique, pour un clip cheveux au vent et tapping de folie sur Jackson Flying V. Et puis, un peu disparu dans le marasme electronica français poucrave (un mini sur Angstrom paru dans l’indifférence), V.L.A.D. s’est tu, jusqu’au récent Xiringuitos perdido Ep, qui, vendu comme une tuerie club, rassemblait en fait quatre mini-hymnes surexcités en forme de génériques synthétiques. Tout à fait consommable en intraveineuse d’infra malicieuses, en pure sensation, le dit maxi se révélait finalement à des années lumières des érosions orgasmiques du quatre titres de Warp, de ses synths couinants, de ses mélopées bruissantes. Autant dire qu’on attendait cet Emo-droidz, au titre plaidien en diable, tout circonspects et tout impatients, d’autant qu’il sort sur un Laboratory Instinct aux abords fébriles (cf. notre chronique du récent Advanced public listening).

Et puis : l’écoute speedée de ces vingt-quatre petites minutes pose immédiatement une question gênante à notre intellect embourbé. Qu’attend-on exactement de la musique électronique en 2005 ? Où est passé notre purisme, sain vice parmi les vices, quand ? Les réponses, autant que les disques de pointe, existent. Mais ce disque de V.L.A.D., son parti-pris frontal, entier, simplifié, reste une énigme. Une vraie de vraie. Non, vraiment : on sait le garçon capable de ficelles fascinantes, de vindictes synthétiques calibrées pour les mitraillettes, et on le trouve radin (neuf miniatures), chétif, renfermé, obsessionnel comme un nerd. Son IDM, IDM à proprement parler, parle la langue de 1997, et pas un mot de plus. Evaporées, les harangues booty, les mélodies magiques. Que s’est-il passé avec lui ? Que s’est-il passé avec nous ? Notre tête dit : ces basslines sont belles comme sur un vieux maxi Rephlex ou Clear de 1995, ce parti-pris antipop est admirable comme un maxi de Cajmere ou un album de Drexcyia. Nos tripes elles, en revanche, hurlent : on veut des chansons, on veut des mélodies, on veut du break, des miroboles DSP, pas des jeux de mots juvéniles et des cuts malhabiles qui disent « les films de boule tournés en DV ». Bizarre choix : cet Emo-droidz ressemble à du Plaid trépassé, délavé, froid comme un contrepied de nez à l’anglaise, glaçante comme une mauvaise blague de Richard D. James. Sauf que le Français n’est pas assez productif pour nous proposer ce genre de contrecoup, que notre mauvaise foi d’électronicien passionné (celle qui nous fera hurler au génie quand sortira le nouveau Daft) ne suffit pas à faire briller le plancher, et que les oreilles crient famine.

Le résultat des courses, en forme d’échec sentimental, fait qu’on est loin du compte. Le premier album de V.L.A.D. est un petit machin peine à jouir, tourné vers les machines, vers les bacs-à-disques, vers les disquaires spécialisés, à tort d’être tourné vers le futur. Ca ne passe plus en 2005, et c’est quand même un comble pour un disque de musique électronique. On attend avec impatience le prochain.