Le label parisien Intercontinental Records est d’abord connu pour avoir édité une très jolie série de 25cm sous pochettes cartonnées d’un noir d’encre, ornées d’un seul autocollant signalant le nom du groupe et les titres des morceaux. Les artistes y figurant (Gel:, Acetate Zero, Kungen, Stadium) attestaient de l’indéniable bon goût de ces vétérans de l’indie-pop française. Aujourd’hui, le label passe à la vitesse supérieure, en sortant son premier CD, reflet de parti pris esthétiques exigeants et d’un certain sens de l’amitié qui motive et produit toutes ces réalisations. Car tous les artistes présents semblent plus ou moins affiliés à la connexion Paris-New-York-Texas qui écume les open mic’ et produit des CDRs d’incontinente façon. C’est par ailleurs un disque de rock excellent, qui ne bénéficie pas d’une distribution à la hauteur de sa qualité (on peut le trouver à Gibert au rayon « trip-hop » !). La bio de presse fournie par le label, à elle seule, mérite le détour. Ecrite exclusivement en anglais (et commençant par : « if you don’t understand english language, you’d better find yourself another job, you incompetent journo »), on se permettra de la citer parfois ici, tant pour la beauté du style que par simple « paresse journalistique » (curieux comme l’association de ces deux mots est entrée dans le langage courant…). Même si le plus beau dans ce disque, c’est la musique qu’il propose.

Car quelle musique ! Toute l’internationale (« intercontinentale » ?) scène « anti-folk » des open-microphones parisiens* est présente, à commencer par la connexion Herman Düne, moult fois représentée : avec Kungen, le projet electro de David Ivar HD (sorte de R&B lo-fi avec samples de Shellac ou de Daniel Johnston) ; Ben Haschish (projet solo reggae-folk de André HD) ; Li-Lund (duo Bontempi de choc et de charme réunissant le batteur du trio, Néman, et la petite soeur des deux frères sus-cités, Lisa -« anyone facing such a huge heart without feelin’ anything should be shot. Get it ? ») ; ou encore Satan’s Fingers, ou un morceau de Herman Düne au complet en duo avec la canadienne Julie Doiron (« False swedish folks-merchant associated with Candain mother of three kids »)… Avec une version miniature de Neil Young sous la forme de El Boy Die (« Sure this guy is one of the most uplifting bastard to be around (ITC humor) but his songs really kix ass ! »), et le classic-rock désaccordé de Schaefer, il ne manque que le post-punk ravageur de Temple Temple ou les arpèges mélancoliques de Rom pour compléter le parfait tableau (nous serons donc au moins trois à postuler pour la prochaine compile…).

Entre ces pépites folk-rock, ancrées dans une culture américaine émotive et naturaliste, on trouvera également sur ce disque d’autres références, cartographiant les influences plus expérimentales des fondateurs du label, et une autre filière amicale : les répétitions atmosphériques de Berg Sans Nipple, les haut-bas-fragiles de Encre, le minimalisme abstrait de Empress, les effets rétro-Pastels de Acetate Zero (« can you believe this thing is… french ?!!! »), les guitares ligne claire de Clair, les ambiances de Un Automne à Lob Nor (« Crap name, BUT !!! Isn’t it the perfect ending song ? »).

Un pied dans la pop anglo-saxonne des 80’s et 90’s, l’autre dans le classic-rock ou la folk traditionnelle américaine, la tête dans les étoiles de l’avant-rock contemporain ou de l’electronica, les curateurs de Performance #1 ont décidé de ne pas choisir, et ils offrent ici un panorama touchant de l’éclectisme de leurs goûts. En somme, un disque de trentenaires nostalgiques mais avec distance, avant-gardistes mais avec humanité, pointus hier comme aujourd’hui. Leur slogan ? « Giving a shit about music », baby.

* Tous les derniers mercredi du mois, au Pop In (105, rue Amelot – Paris 11e), faut-il le rappeler ?