Un coffret dont l’iconographie, conçue par Bernard Amiard, est aussi soignée qu’est informatif le livret accompagnant les cinq CD (plus un collector) ici rassemblés. CD également disponibles à l’unité. S’ajoutant aux commentaires de Thierry Jousse ceux, non moins passionnants, des pianistes invités par Jean-Jacques Pussiau, producteur, à « relire » à leur manière certaines de leurs musiques de films préférées. Musiques qui, en résistant au temps, ont fini par devenir des standards à part entière. Par pouvoir être appréciées aussi bien avec que sans l’image qu’elles étaient au départ censées appuyer. Un affranchissement qui trouve sa pleine expression dans leur capacité à se prêter, de par leur richesse, aux caprices d’Alain Jean-Marie qui se joue de la mélodie comme l’on ébourifferait les cheveux de celle que l’on aime. Un goût pour la métaphore et les chemins de traverse que l’on retrouve dans le jeu de Steve Kuhn dont le lyrisme n’a rien à envier à celui dont Gato Barbieri dotait il y a près de trente ans le générique du Dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci.

De ces derniers à Stephan Oliva en passant par Paul Bley et Martial Solal, autant de sensibilités différentes et par là même de façons d’interpréter ces thèmes qui, en quelque sorte, participent de la mémoire collective en même temps qu’ils renvoient à celle de chacun de nous . Une pratique qui, inédite pour quatre d’entre eux, est familière à Martial Solal dont l’on se souvient des musiques qu’il composa jadis pour Deux hommes dans Manhattan (1958) et Léon Morin prêtre (1961) de Jean-Pierre Melville sans oublier Le testament d’Orphée de Jean Cocteau et surtout A bout de souffle (1959) de Jean-Luc Godard. Tandis que Stephan Oliva restitue, avec un rare souci de concision, l’ambiance onirique et inquiétante de films comme Rosemary’s Baby de Roman Polanski et Vertigo d’Alfred Hitchkock, Paul Bley suggère, tel un peintre travaillant au fusain, la mélodie sous forme de traits aussi elliptiques que précis. En filigrane, Jean Seberg vendant dans les rues de Paris le New York Herald Tribune, Marlon Brando sous le métro aérien, l’insouciance qui se dégageait des Parapluies de Cherbourg, les silhouettes vagabondes de Charlot et Paulette Godard dans Les Temps modernes et celle, intriguante, de Kim Novak errant dans un cimetière à la recherche de son double. A écouter avec les yeux, à voir avec les oreilles.