Remarquablement sorti du lot des productions hip-hop au kilomètre de l’époque, l’excellent opus Defenders of the underworld a fait en 1999 l’effet d’une charge de plastique dans le milieu underground du hip-hop. Aujourd’hui, le label des Swollen Members continue à privilégier le format des compilations (quatre en trois ans) et nous livre ce second volume de la série Battle axe warriors. Démarrée sur les chapeaux de roue, cette série a compté les contributions de Moka Only, LMNO (auteur de Leave my name out) ou encore Mad Lib (aka Quasimoto, metteur en son de AnglesWithoutEdges)… Aujourd’hui, le label est devenu une référence indé incontournable, on retrouve sur cette nouvelle galette à peu de chose près toutes les valeurs sûres de l’écurie. Les Swollen Members sont devenus disque de platine au Canada, les disques tamponnés Battle Axe se vendent aux quatre coins du monde, et on commence à sentir dans cette nouvelle compilation une rengaine qui commence à s’essouffler.

On retrouve ici les habitués Moka Only (qui déçoit fortement avec son I’ll be cool sirupeux), Abstract Rude (compère cintré de Kool Keith), Mr Brady (qui vient de sortir son premier opus solo Dusty baker) et surtout, l’inégalable Buc Fifty (dont on attend toujours le premier album…). Comme d’habitude, les signatures les plus resplendissantes du label assurent un minimum syndical, nous fournissant de bonnes petites bombes. Mais on sent tout de même que Madchild et Prevail ont perdu leur moelle substantielle des débuts ; et usent jusqu’à la corde une recette qui commence à sentir le réchauffé. Les seules prestations encore capables de nous péter les membranes restent celle de Buc Fifty, dont la rage de pitbull déglingué reste intacte depuis Metal’s advocate. Le sieur fait ici claquer sa vibe hardcore psychotique et frappe très fort sur les beats rutilants de Bangin’ et Death appeal, mais aussi sur l’efficace Poker face. L’autre grosse pointure de cette nouvelle galette est le porno King Son Doobie (ex-membre de Funkddobiest, auteur du cultissime The Funkiest) qui nous assène ses lyrics percutants sur un Poor amor aux accents latins prononcés. Débarrassé des vieux fantômes de la dernière période de Funkdoobiest, Doobie a clairement retrouvé sa fibre rapologique, grâce à un phrasé rageur et des sons bien calibrés signés Kemo ou Rob the Viking. Il semblerait que l’émancipation de sa libido explosive, qui s’est révélée dans les sombres milieux pornos amateurs, lui ait valu une nouvelle jeunesse de rappeur (le rap et le sexe n’ayant toujours fait qu’un chez Soon Doobie). Rappelez vous : « I like my funk X-rated like I like my sex, I like my sex X-rated like I like my funk » (Brotha doobie). Malheureusement, pour la première fois depuis la création du label, cette production Battle Axe n’a pas réussi à échapper à la règle de la compilation inégale. Citons par exemple le remix foireux du Fuel injected des Swollen Members : de quoi faire éclater en sanglots les amateurs du premier album Balance.

Pour les fans de compilations bien rough comme il s’entend, on conseillera plutôt Lyrics of fury, l’ogive nucléaire récemment parue sur Underworld Inc. Records (une filiale souterraine de Battle Axe, qui entretien la verve hardcore des débuts). Un disque sur lequel on retrouve bien entendu Buc Fifty, égal à lui-même (c’est-à-dire au-dessus de tout le monde), toujours prêt à tout déchirer avec sa voix de canard atteint d’encéphalite spongiforme mutante. Hey Buc Fifty ! Tu le sors quand ce putain d’enfoiré de sa race d’album ! Tu vas tout déchirer canard !