Il y a deux ans, Soul Jazz Records a inauguré la série des compilations DYNAMITE ! qui explorent les trésors musicaux de la Jamaïque. La dernière cuvée de la série –400 % DYNAMITE !– offre un panorama complet de la musique jamaïcaine depuis 1950. Cette sélection très pointue décline le reggae sous toutes ses incarnations successives -ska, rock steady, reggae, dub, dancehall et ragga- et satisfera tous les enfants de Jah, rude boys, rockers et bad boys réunis. La pochette du CD donne assez bien le ton de la compilation : un funky selector tout droit sorti des 70’s enchaîne des 45 tours aujourd’hui devenus introuvables. 400 % DYNAMITE ! est un concentré de sound system où se côtoient classiques et raretés dégotées par les experts de Soul Jazz Records. Aperçu de cette sélection éclectique.

Deux grosses productions dancehall : Ring the alarm quick, sur laquelle la mitraille verbale du grand Buju Banton pulvérise le succès de Tenor Saw, basé sur le vieux riddim Stalag 17, puis Under me sensi de Barrington Levy, qui illustre cette période bénie où la puissance instrumentale des riddims des Roots Radics et de Sly and Robbie avait atteint un degré de perfection quasi robotique. En Jamaïque, l’ère électronique est habitée par les douces transes des cultes locaux. Ainsi, sur Pot Cover, General Degree laisse son flow ragga dériver dans les méandres d’une pensée sous contrôle, et l’inventeur du dub, King Tubby, ne se fait pas prier pour manipuler les esprits en triturant le son jusqu’à l’extase. Son King Tubby dub met sur orbite le riff de Get ready de Curtis Mayfield. Si le bluesman Robert Johnson a signé un pacte avec le diable, avec qui King Tubby a-t-il pactisé ? La chaleur étouffante des ghettos jamaïcains transpire sur deux titres : Dreader than dread (Honey Boy Martin) électrisant les rude boys désœuvrés, et une version rock steady sale et lancinante du standard d’Albert Collins, Soul food, par le génial guitariste Lyn Tait.

On ne se lasse pas d’écouter le grand succès rock steady des Maytals, 54-56 was my number (1968), dans lequel Toots, Soul man n°1, dépeint ses six mois d’emprisonnement, ou les tourments juvéniles de Prince Buster, père du ska (Girl, why don’t you answer to your name). 400 % DYNAMITE ! fait aussi un détour surprenant dans le Funky Kingston des 70’s, période The Harder they come. On y découvre des productions flirtant plus avec la soul des O’Jays qu’avec la rebel music des ghettos. Ecoutez Who’s that lady de Paris Connection et We are not the same des Cimarons et imaginez-vous dansant entouré d’hôtesses d’Air Jamaïca dans la discothèque du Hilton Kingston. Attention, vous rêvez, et U-Roy, exultant sur un riddim dévastateur de Tubby, vous rappellera à la réalité (Stick together).

Quinze titres et 49 minutes plus tard, le voyage musical est déjà terminé. Deux solutions : mettre le CD en boucle ou acheter les trois premiers volumes de la série DYNAMITE ! pour de nouvelles sessions. Come again selector.