Du Mogwai sous Prozac ? A moins que ce ne soit le nouveau Hood… Le haut du pavé est ici tenu par un quatuor lyonnais, aussi méconnu que son nom est intrigant : Un Automne à Lob-Nor. (41°N ; 90°E) est en quelque sorte le troisième album de The For Carnation que l’on aurait aimé secrètement écouter : un disque qui aurait repris en l’état les travaux, là où Marshmallows les avait laissés.
Un Automne à Lob-Nor joue une musique instrumentale et anonyme délivrée par touches impressionnistes. Diablement inspiré, le quatuor plane au-dessus de la mélasse post-rockeuse en sécrétant une musique impeccable. Plutôt que de distiller progressivement l’évidence de sa construction, la clarté de ses mélodies, celle-ci s’étoffe au fil des écoutes, dessine, avec sa logique propre, des montagnes russes (avec de moins fortes amplitudes et de manière moins épique que Godspeed You Black Emperor) et parvient à emplir l’espace en balayant un spectre de couleurs et un horizon d’ambiances vastes, ou en faisant se chevaucher différentes pistes et boucles. Les détails (cordes frottées, notes de piano, violoncelle, etc.) ne sont perceptibles qu’une fois passé l’étonnement premier suscité par la (fausse) simplicité du propos.

Par contraste avec les atmosphères tendues provoquées par des accords dissonants (sur la 6e plage), la mélancolie par exemple s’incarne magnifiquement sur le 4e morceau, sous la forme d’une virée de guitares cristallines qui s’entrelacent, sculptant littéralement des motifs musicaux, et planant au-dessus d’une batterie nonchalante, avant que la note figée d’un orgue et une lame de fond tellurienne ne viennent pétrifier la scène. Le 5e morceau commence, quant à lui, là où s’achevait le précédent : dans un état de glaciation (avec ce crissement de cymbale à la John McEntire sur A Watery Kentucky, sur The Serpentine similar de Gastr Del Sol). Puis il se réchauffe, en remontant vers le sommet de la vague pour enfin, ne plus sortir d’un étrange jeu où la batterie divague tandis que guitare et basse se répondent par des motifs labyrinthiques.

Et on se prend à rêver que le monde serait encore plus beau si la forêt (Aspic, Oldine, Tobby Jones vs Grumbler Julos, etc.) qui se cache derrière l’arbre effeuillé d’Un Automne à Lob-Nor gagnait peu ou prou la même visibilité que ce quatuor signé sur Serpentine…