Est-il étonnant de constater que Warp, la locomotive de la musique électronique contemporaine, compte dans ses rangs un groupe comme Two Lone Swordsmen ? Pas vraiment, et c’est sans doute pour ça que Two Lone Swordsmen est un groupe étonnant. Fondé par Andrew Weatherall, vétéran de la scène électro anglaise (notamment fondateur des mythiques Sabers of Paradise, et créateur du label Emissions Audio Output), accompagné de Keith Tenniswood, Two Lone Swordsmen a sorti en deux ans d’existence quatre albums (dont un double) et un Ep sous deux labels différents. C’est dans cette logique qu’à peine quelques mois après la sortie de leur album Staying down les revoilà avec cet Ep qui, loin d’être un simple prolongement, apporte une nouvelle dimension à leur musique.

A leur atmosphère habituelle, ils ajoutent une rythmique hip hop minimaliste et une structure rigoureuse qui rend cette musique plus présente mais toujours aussi frondeuse. Comme si David Holmes rencontrait le Aphex Twin de Selected Ambient Work. Car le groupe anglais se joue des rigueurs de ses propres constructions et contamine le hip hop pour mieux le caricaturer. Le tout oscille entre groove et expérimentation électronique lo-fi du meilleur goût. C’est cette ambivalence qui fait toute la richesse d’A Virus with shoes, l’impression d’être en terrain connu et inconnu à la fois.
Mais le disque ne se limite pas à ce simple contraste, car Two Lone Swordsmen a son identité propre qui les propulse déjà en haut du panthéon des musiques électroniques les plus frondeuses aux côtés d’Autechre et d’Aphex Twin. Cependant, l’apparente simplicité de leur musique cache un énorme travail de recherche sonore et de structure. Loin de partir dans des boucles chaotiques interminables, Two Lone Swordsmen encadre ses débordements, organise les dissonances et leurs étranges samples (voir les gémissements masculins de Brother Foster through the phones), en faisant preuve d’une grande méticulosité. Le tout baigne à la fois dans un humour indéfinissable, comme le prouve les titres de certains morceaux (Cloned Christ on a hover donkey (be thankful)), et dans un climat parfois inquiétant (le respirateur de Our kid’s Berwick).

Two Lone Swordsmen arrive à se créer un son des plus personnels qui néanmoins semble avoir existé depuis toujours. Ainsi, sans être révolutionnaire, Two Lone Swordsmen s’impose comme une référence de Warp avec laquelle il va bien falloir compter. Une de plus.