Il y a presque un an et demi, lorsqu’on interrogeait Matt Elliott -à l’occasion de la sortie de son précédent opus, You guys kill me– sur ses influences majeures, il citait volontiers la musique classique, et en particulier la musique religieuse, pour des questions de proportions, d’ampleur, de force. Sur Little lost soul, son dernier bébé, l’influence est bien présente. Et donne à cet album une nouvelle texture, une nouvelle ampleur effectivement. Alors qu’en apparence le son, dans sa globalité, a été épuré. Les rythmiques drum’n’bass ne sont pas abandonnées pour autant, mais mises un peu en sourdine, en arrière-plan, pour faire de la place à d’autres éléments de la palette sonore habillant et composant la musique de Third Eye Foundation.

Il suffit d’écouter les deux premiers morceaux, I’ve lost that loving feline et What is it with you pour s’en persuader. Matt Elliott a utilisé, dans sa quête d’une certaine forme de spiritualité, des harmonies vocales -typiques de la musique liturgique, même si ce n’est pas ce type de voix qu’il s’est réapproprié- qu’il triture et déforme à souhait pour en extraire une pâte sonore assez stupéfiante. A l’arrivée, et malgré ce qu’on commence à lire ici et là, Little lost soul n’est pas forcément son album le plus facile à percevoir, à comprendre. Oui, ok, en mettant en avant les harmonies en couches superposées ; en mettant la pédale douce, comme je le disais précédemment, sur les structures plus spécifiquement rythmiques, il donne à entendre des compositions qui ne mettent pas directement le cervelet en émoi, à la recherche de repères. Mais c’est une chose d’entendre distinctement, et une autre d’analyser les différentes strates de ce canevas musical pour reconstituer un tout.

Car, quoi qu’on en dise, Matt Elliott propose avant tout une musique d’une grande cérébralité, même si elle fait largement appel, de prime abord, aux sensations. Et c’est là tout la force de Little lost soul, et tout le plaisir -un brin maniaque- pour nous. Une musique dont il est assez aisé de s’imprégner, mais qui ne livre ses secrets qu’à la fin d’un cheminement intellectuel. Pédant ? Peut-être, mais avant tout très fort. La plupart des morceaux -concentrez-vous très fort sur les magnifiques Half a tiger et Lost– offrent différents niveaux de compréhension qu’il faut recouper, me semble-t-il, pour arriver à sentir la puissance qui s’en dégage. Si l’on est prêt à faire cet effort, Little lost soul se révèle alors passionnant, captivant, hypnotisant.