Né sur les cendres de Laddio Bollocko, réputé pour son rock no wave à haut voltage qui embrasa la fin des années 1990, le trio instrumental Psychic Paramount n’avait pas enregistré d’album depuis l’incendiaire Gamelan into the mink supernatural il y a six ans. Si leur power-rock psychédélique a gagné en précision ce qu’il a perdu en vélocité rageuse (toutes proportions gardées, car les oreilles chastes trouveront toujours de quoi s’offusquer), il n’en reste pas moins redoutable d’efficacité et ne présente aucun signe d’affaiblissement, bien au contraire. Soignée au point d’en devenir presque trop apparente, la production met en relief les sonorités mates de la batterie et la clarté des guitares, de sorte que la sauvagerie qui habite leur musique est ici estompée par les effets de brillance du studio : la moindre distorsion noise prend l’ampleur d’un piétinement de mammouth, le moindre crash de cymbale sonne comme un coup de tonnerre. L’interaction rythmique avec les riffs en accord ouvert ménage des ponts entre structure progressive et toute-puissance de la saturation électrique, comme on en avait plus entendu depuis les symphonies de Glenn Branca, les assauts de Caspar Brötzmann Massaker ou les extases cosmiques des Boredoms période Vision creation newsun.

Dépecé du format « chanson », le rock de Psychic Paramount tire sa force de ces échappées dans la démesure, dont chaque partie semble conçue comme une course d’endurance boostée aux stéroïdes. Arrivées « à maturité », comme on dit dans le jargon, ces nouvelles compos apparaissent plus domptées et quadrillées que la débauche heavy-psych à laquelle le trio nous avait habitué. Il fut un temps où ce type de rock à rallonge à l’ambition coltranienne fut qualifié de « post-rock », ce qui n’était plus ni moins qu’une réactualisation du jazz progressif mis au service d’un rock instrumental. Après une intro en douceur, DDB ménage des breaks de plus en plus inattendus, virevoltant jusqu’à une apogée de saturation atonale. Chaque morceau progresse ainsi en pente ascendante par paliers successifs d’harmoniques et de blocs d’accords non déliés, portés à l’incandescence jusqu’à la fournaise psychédélique.

On pense par moments à une version noise de This Heat (RW, N6), dont l’influence reste toujours aussi prégnante, tandis que N5 coda et sa ligne de basse fusion pourrait presque passer pour du Mahavishnu Orchestra amphétaminé. Psychic Paramount parvient alors à résorber le fossé qui sépare la virtuosité prog-rock de la véhémence punk, sans ménager la moindre accalmie. Dommage que le jeu du batteur, aux roulis de caisse claire incessants, succombe à la démonstration de force math-rock et s’emballe comme un lapin Duracell un peu envahissant. On se demande alors si les ruptures et les syncopes de cette moissonneuse-batteuse férue de génuflexion technique ne gagneraient pas à se résorber dans davantage de simplicité. Quand on y pense, le Velvet aurait été un groupe de merde si Moe Tucker avait possédé la technique de Manu Katché.