Une écoute un peu trop rapide du deuxième opus des Lynnfield Pioneers aurait vite fait de ranger ce trio de Brooklyn dans la classe, au demeurant fort estimable, des cancres doués ou des dilettantes rigolos. Du genre à griffonner dans la marge, pendant les cours de lo-fi sur Sebadoh ou Pavement, des caricatures de Mark E. Smith (le chanteur de The Fall, auquel il est difficile de ne pas penser en entendant la voix de naufragé se prenant la bouée sur la tête de Dan Cook) ou des Seeds (le Farfisa sinusoïdal du même Dan Cook, joué à deux doigts ou avec les coudes).

Mais réduire les Lynnfield Pioneers à de gentils amuseurs bramant Time to get dumb serait passer à côté du sujet. L’aisance avec laquelle ils mêlent garage-punk déconstruit et groove élastique façon James Brown force l’admiration, et Free popcorn fait partie de ces disques rares qui, au lieu de s’essouffler sur la durée, rebondissent sans cesse pour ne cesser d’étonner. Les trouvailles verbales abondent, et l’atmosphère ludique des premiers morceaux s’efface pour laisser la place à un sentiment de malaise grandissant, jusqu’aux deux dernières chansons, l’ironiquement titrée Feel so good aux allures de très mauvais trip, et Get into it, qui fait rimer « paranoïa » et « LaToya », impitoyablement charcutée à la guitare fuzz/wha-wha par Mike Janson (également bassiste). Mais à quoi donc carburent-ils ?

Volontairement produit sans le moindre apprêt, Free popcorn peut être pris comme un album de party abrasif, jetant des ponts entre hip-hop radical et no wave, funk et punk, au risque de se retrouver parfois à faire le grand écart en équilibre instable, sans le filet rassurant de mélodies à siffloter sous la douche. Mais l’intérêt majeur des Lynnfield Pioneers est justement de menacer à tout instant de partir dans tous les sens, pour retomber sur leurs pattes comme par miracle. Un vrai travail de funambules qui ne cherchent qu’à se surprendre, et nous avec, sans se prendre excessivement au sérieux. Ambitieux, d’accord, mais surtout pas prétentieux.