Sur ce dossier, la position du critique (couché, forcément couché) n’est pas des plus confortables. S’agit-il réellement de parler de la qualité musicale de cette réédition ? Doit-on vraiment écrire qu’un disque qui regroupe Lucy in the sky with diamonds, Eleanor Rigby, Nowhere man et All you need is love est un bon disque ? Yellow submarine (bande originale du dessin animé du même nom sorti en 1967) n’est certes pas un album crucial des Beatles. Mais il offre tout de même un survol assez passionnant de leur période psychédélique avec des titres de Rubber soul (grande œuvre), Revolver (chef-d’œuvre) et Sergeant Pepper (grosse oeuvre).

Une seule écoute d’un morceau aussi phénoménal que Hey bulldog remet les pendules à l’heure pour au moins deux semaines. Intro de piano frénétique, voix éraillée de Lennon (« You can talk to me ! ») et dès le premier refrain, plus personne ne peut rivaliser. On s’incline, on enclenche la touche repeat et on pousse les autres nouveautés sur le côté pour un temps. D’autant que sur cette réédition, les trois Beatles vivants ne sont pas embarrassés avec les politesses. Ils ont tout bonnement viré les plages orchestrales signées Sir Georges Martin, présentes à l’origine, pour se concentrer sur les pop songs. S’il reste quelques personnes qui n’ont jamais écouté ces perles fondatrices, elles risquent rapidement de sillonner le pays en annonçant l’Epiphanie pop.

Mais pour les autres, convertis au bon air de Liverpool, cette ressortie pose surtout le problème du remastering et autre tripatouillage de bandes classées monuments historiques. Ici, les basses de Macca sortent rondes comme des bulles de savons. La batterie de Ringo (un immense musicien, au fait) résonne avec une profondeur impressionnante. Déjà que les prises originales pouvaient tirer des larmes… Honnêtement, le son est prodigieux. Trop, peut-être. Sur les premières mesures de All too much, on entend presque… U2 ! Tout est si parfait. Rend-on vraiment service à la musique des Beatles (et aux auditeurs) en remettant tout à niveau ? Si le son des sixties n’a jamais cessé d’influencer les musiciens rock, ce n’est pas précisemment pour son « confort d’écoute ». Quand McCartney mord dans la mélodie de Sergeant Pepper, le son de ce CD devient impressionnant, limpide. On aimerait juste qu’il soit agressif, qu’il s’extirpe des enceintes comme une véritable boule de nerfs et d’énergie. Le débat pourrait durer des mois, en passant en revue chaque arrangement de cuivre, sans pour autant trouver un accord. Le plus sûr reste de se concentrer sur les chansons. Le songwriting sidérant des Beatles, lui, n’aura jamais besoin d’un lifting. Ingéniosité, classe, surprises, tout y est. Allez, je remets Hey bulldog.