Je sais pas pour vous, mais moi quand j’avais 9-10 ans, j’avais des posters de Sangoten dans ma chambre, des cassettes de génériques interprétés par Bernard Minet et des compilations Dance Contact dont j’étais super fier. Mes parents étaient Ok avec ça, du moment que je ne poussais pas le son trop fort, ce qui me frustrait un peu dans la mesure où je devais me coller le baffle à l’oreille pour me laisser aller aux hymnes héroïques de Jean-Luc Azoulay, E-type et Ice Mc devant la glace. Mes grands-parents étaient légèrement plus radicaux, coupant la télé à l’heure des Chevaliers du Zodiaque au nom d’une éducation « saine », concept largement relayée par une gauche caviar apôtre inflexible du « bon goût » culturel – je suis d’ailleurs convaincu que certains jeunes électeurs ont puni Ségolène Royal pour toutes ces après-midi passées à se faire chier dehors parce qu’il faisait beau. J’ai donc longtemps fantasmé – et je ne pense pas être le seul – sur ce super héros pop des années 2000 qui nous décomplexerait par rapport à la trance, notre amour du fun, des couleurs et des chocolats Kinder™ à un âge où les parents n’ont plus vraiment droit de regard sur ce qu’on doit aimer ou pas. Le genre de mec qui oserait encore porter des baskets avec la semelle qui clignote, et tout et tout. Je rêvais d’un Bernard Minet nouveau. Sauf que j’ai eu un Teki.

Un Teki, c’est presque comme un Bernard Minet. Juste le modèle en dessous, pour l’absence totale d’humour et de second degré. D’ailleurs, faire la fête avec autant d’application dans la tâche nourrit chez certains de graves suspicions, devant l’artillerie marketing 2.0 déployée. Moi, je lui fais grâce du procès d’intention : « La maturité de l’homme, c’est retrouver le sérieux au jeu qu’on avait étant enfant » (Nietzsche). C’est vrai quoi, qui oserait exploiter la nostalgie de la génération 85 jusqu’à s’infliger ces soirées tecktonik au Metropolis ? Je marche pour l’idéologie naïve et la régression infantile toute assumée. Passons à la musique.

La mélodie d’Electronic, titre d’ouverture, me fait naturellement penser au thème des Mondes engloutis, avec un Nono le Robot qui rapperait en anglais par-dessus des synthétiseurs ultra emphatiques. Ce qui m’encourage à débrancher l’automate sans toutefois imaginer retrouver, gorge sous hélium et cheveux sur la langue, le flow d’un Tekitek qui s’essaie au chant, pour un résultat à peu près aussi supportable que la voix grinçante d’Ariane quand cette dernière massacrait Dragon Ball. C’est peut-être là l’obstacle aux velléités mainstream du disque, ces fumées de cigarettes crachées à pleins poumons quand Teki ne parvient pas à tenir le refrain entêtant des Matins de Paris. La suite n’est pas bien différente du récent 36 15 TTC, pour les boucles cheap et les phrasés gueulés (Polo), ou du Robots après tout de Katerine, la distance ironique en moins – laquelle aurait rendue présentable cette très laide Petite fille qui ne veut pas grandir.

Mais bon, parler de ce disque ne sert presque à rien devant le florilège d’éloges auto attribués sur son MySpace, et corroborés par les commentaires unanimes de la communauté fluo. A ceci près que Party de plaisir aura beau se revendiquer objet pop ultime – convoquant tour à tour Kano, baile funk et Human League -, Teki Latex sous auto-tune plus grand crooner depuis Serge Gainsbourg, Akroe et Camille Bovier Lapierre plus belle paire de cinéastes parisiens depuis Godard et Truffaut, reste : quelle émotion tout cela produit-il chez moi ? Ben malgré toute ma sympathie pour l’entreprise, je réalise seulement pourquoi mes parents avaient honte.