Le nouveau disque du « petit » Coleman de l’alto avec son groupe habituel ne surprendra personne. Ses admirateurs chevronnés crieront encore au génie, et ses détracteurs (j’en suis) n’y trouveront toujours rien.
Si l’on met de côté le côté ésotérique de Steve Coleman, qui se prend pour un gourou érudit, anthropo-musicologue et philosophe oriental fumeux (à l’appui, un livret de huit pages naïf et pompeusement mystérieux comme un livre d’enfant en braille), on se doit de considérer cet homme avant tout comme un musicien -puisqu’il enregistre des disques. Alors parlons de sa musique.
Il entreprend ici une longue suite ininterrompue de sept mouvements, presqu’aussi consternants les uns que les autres. D’entrée de jeu sur le premier morceau, Precession, le quintette de cordes sonne comme un vulgaire synthétiseur et la basse électrique de Tidd couplée à la batterie de Rickman ne réussissent qu’à évoquer confusément Miami Vice (au lieu du conflit chaos/ordre de l’Univers). Un bon départ, donc.
Suivront Matt et ses vocalises Magmaiesques qui feraient une bonne trame sonore pour Star Trek, puis le suspense inquiétant de Twelve powers parfaitement calibré pour un épisode de Starsky et Hutch sous les tropiques (pour le vibraphone). The gate est un ostinato façon « chaises musicales » où les solistes échangent leurs places avant de reprendre le thème : aussi émouvant que le cahot d’un train de marchandises. Sur Seth, des incantations en portugais sont distillées sur fond de vocalises planantes. Est-on en présence d’un disque de relaxation, d’une musique new age ? Non ! La basse électrique arrive pour nous faire nous trémousser…
Seule zone d’intérêt musical (donc une curiosité), Ausar, une composition très proche de Twelve powers, mais plus difficilement définissable (on hésite entre les Rues de San Francisco et Kojak), qui au bout de quelques minutes esquisse un début d’arrangement valable. Le son s’organise sous l’impulsion du piano de Vijay Iyer et du trombone de Tim Albright, et même Steve Coleman se prend au jeu et joue avec entrain. Autrement, ses performances sur cet album ne vont guère plus loin que souffler avec sa bouche et jouer des notes avec ses doigts.
Un disque à déconseiller à ceux qui ne font pas encore partie de la secte Coleman. Pour les autres, il convient d’espérer qu’il est millénariste et tournera enfin la page l’année prochaine.
Steve Coleman (as), Anthony Tidd (eb), Sean Rickman (dms), Miguel « Anga » Diaz (perc), Rosangela Silvestre (voc). + guests : Ravi Coltrane (ts), Craig Handy (ts), Ralph Alessi (tp), Shane Endsley (tp), Tim Albright (tb), Vijay Iyer (p), Robert Mitchell (p), Jason Moran (p), Stefon Harris (vibes), Regg Washington (b, eb), Todd Reynolds (v), Mary Rowell (v), David Gold (viola), Dorothy Lawson (cello), Sara Parkins (v), Karen McVoy (s vocal), Jeanne Ricks (a vocal) Eugene Palmore (t vocal), Erik Charlston (b vocal)