Alors mettons-nous d’accord : Mark Linkous est-il le chef d’un « combo originaire d’Oxford » ou un aspirant white-trash US à la postérité attendue ? On ne sais pour quelle raisons Nick Kent a commis cette merveilleuse bourde à propos de Sparklehorse dans les pages de Libé : associer la sortie du troisième album de ce semi-génie enfin reconnu à sa juste valeur avec celle de l’événementiel disque d’un amnési(a)que et authentique quintet d’Oxford (Radiohead)… Trêve de plaisanterie, Sparklehorse est définitivement un projet américain, de moins en moins grossier, de plus en plus touchant qui avec ce troisième album pourrait enfin réussir un honorable petit jackpot planétaire façon Mercury Rev / Flaming Lips. D’ailleurs, l’un des metteurs en sons de ce nouveau témoignage accablant de cette grandeur américaine n’est autre que Dave Fridmann. L’autre étant John Parish.

Faut-il se réjouir de cette habitude très contemporaine des disques à invités ? Il semblerait qu’à l’heure actuelle, tout artiste un tant soit peu convaincu se mette, généralement à l’heure du troisième album, à rallier dans son écurie quelques uns de ses amis, collègues, connaissances, voire même, et c’est probablement le cas ici, arrive à convaincre une de ses idoles à venir vocaliser. Mark Linkous a suffisamment de talents pour faire tenir ses disques tout seul. Pourtant les participations de dame Polly Harvey sur Piano fire, assurément un des sommets de l’album, de Nina Persson (la petite blonde des Cardigans), et de l’immense Tom Waits dans le rôle de l’idole sur Dog door, rendent It’s a wonderful life encore plus attachant. Il ne manque à l’appel de ce casting très pertinent que le non moins immense Daniel Johnston pourtant contacté (ce qui l’aurait vraisemblablement fait découvrir à environ 100 ou 200 000 personnes de plus), nul n’est parfait.

Alors que Good morning spider mettait en évidence les somptueuses ballades de Linkous, son successeur nous offre en prime avec Piano fire et King of nails deux morceaux de rock (moderne) à tomber par terre, nous ramenant illico à la découverte de Sparklehorse il y a déjà quelques années avec Vivadixiesubmarinetransmissionplot et des morceaux de la trempe de Rainmaker ou Someday I will treat you good. A ce petit jeu-là -écrire des chansons parfaitement pop d’une texture agressive et vindicative-, Linkous est presque l’égal de Bob Pollard de Guided By Voices, groupe énorme mais trop peu médiatisé de ce coté-ci de l’océan, que Linkous devrait citer plus souvent par simple honnêteté intellectuelle. Pour ce qui est des ballades, des accalmies dont Sparklehorse se fait donc ici une spécialité, l’écriture et la texture infiniment douce viennent naturellement se frayer un chemin à la droite de Dieu (Neil Young), les chansons de Linkous possédant ce même pouvoir bienfaiteur et rassurant propre à ces chansons tristes d’homme doux mais souvent seul dont le canadien nous fait grâce depuis la nuit des temps.

Entre ces deux pôles repose en paix la musique de Sparklehorse, comme ce troisième disque de Mark Linkous, qui récolte à raison un paquet de louanges, grâce notamment à cette apparition de Tom Waits qu’on aurait aimé retrouver sur son versant doux, non rocailleux et toujours admirablement toxique… Mais ne boudons pas notre plaisir immense à l’écoute de cet objet qui ne l’est pas moins. Qu’il avance à cheval ou à moto, ou quelque soit son moyen de locomotion du jour, la route de Mark Linkous est désormais pavée d’or.