Encore un album de jungle froide et sans âme ? Oui et non. Ce n’est pas si simple. Parce qu’il s’agit d’un premier album. Sur le même label que Photek. Parce que ça ressemble beaucoup à Photek -en beaucoup plus efficace. Et parce que Jim Baker et Phil Aslett de Source Direct ont eu le même parcours : un tas de maxis excellents, suivi d’un album forcément décevant. Et, comme pour le rouquin amateur de Porsches et d’arts martiaux, une forte impression de vacuité qui s’estompe au fil des écoutes -ou plutôt qui s’intensifie, et qui fait tout l’intérêt des morceaux. On a donc affaire à une drum & bass très dark, très bien structurée, glaciale et implacable.

Neuf morceaux dont se dégage malgré tout une personnalité, une atmosphère, principalement de paranoïa urbaine. Call and response porte bien son nom, Mind Weaver tisse un patchwork de breaks sur fond de textures à la LFO qui se font écho -impressionnant. Haunted, lent et court, agit comme un rêve d’héroïne de manga (musique pour Tekken 4 ?) et Technical Warfare distille une ambiance de terreur sourde. Love and Hate commence comme du Model 500, se développe en mid-tempo très groovy (avec même deux ou trois notes de piano qui détonnent dans cette interminable mer de glaçe) et se finit très destructuré (normal, les pôles se réchauffent). Capital D, moins réussi, s’essaie néanmoins à quelques samples de cuivres pour film d’espionnage en milieu industriel et Dubstar (aux allures de dancehall abstrait) ajoute une touche d’humour et de virtuosité avec ses samples de bruitages de jeux vidéos, confirmant le lien naturel de cette musique avec le monde des pixels animés. Wanton Conduct, sans être très original, réussit à convaincre par son efficacité et ses couinements de dance floor en rut, et enfin Concealed identity, morceau de bravoure du disque, paie son tribut à Photek en reprenant habilement tous ses gimmicks : samples de films de ninjas, bruits de sabres qui s’entrechoquent, sifflement du vent dans la plaine avant l’affrontement, gongs de monastère, bruits de pas, cris de douleurs, règles morales de fer et agencement extrêmement précis des sons ; les ninjas agissent dans l’ombre, subissent un entraînement rigoureux, frappent sans hésiter et n’ont pas droit à l’erreur. Tout ce qui fait la qualité de ce morceau. Seul défaut de Source Direct : ils sont trop bavards, et, de fait, les morceaux sont trop longs. Un peu plus de concision serait la bienvenue. Sinon, on a bien affaire à des collègues de Photek plutôt doués, et qu’on aimerait un peu plus audacieux. La rigueur n’est pas tout, l’ennui rôde, malgré la sensualité étrange et retenue que peut dégager ce déluge de rythmes souples… Et finalement parfaits pour se réveiller le matin !