Un album tout en finesse. Signé par une jeune surdouée de la scène malienne, lauréate des Découvertes RFI 97, révélation consacrée lors du festival des Musiques Métisses d’Angoulême de la même année et protégée dit-on d’Ali Farka Touré en personne. Rokia Traoré n’a que 26 ans, mais son talent la place de fait dans la cour des grandes. Fragile et aérienne à la fois, sa voix vous transporte. Grâce, notamment, à la démarche peu gloutonne de la formation qui l’accompagne. Les chœurs, les guitares, le balafon, la basse, la kora, le n’goni bâ et autres percussions privilégient avant tout le naturel et l’innocence de cette voix. Ce nouvel album prolonge en toute logique l’atmosphère généreusement acoustique du premier (Mouneïssa, sorti sur le même label). Folk-singer de nature sensible, Rokia privilégie les rencontres entre le patrimoine légué par les anciens et la modernité soumise des temps nouveaux -sans céder aux sirènes d’une instrumentation électrisante pas toujours convaincante. Sa musique puise fortement dans les traditions mandingues, tout en se ménageant une relative liberté créatrice, qui permet originalité des sons et singularité du répertoire.

Mélodies pleines de sérénité, toutes de tendresse vêtues. Rokia l’inspirée célèbre la paix des braves, en fait offrande aux familles, aux couples ou aux amis. Elle chante contre la vanité des hommes et pour l’honneur des femmes, prévient contre l’altérité qui sied si naturellement aux choses de la vie. Elle met face à face la volonté de puissances qui nous guident le long de notre destinée et la fatalité d’une mort insurmontable nous guettant en permanence. Elle rappelle l’effort et le pardon nécessaires pour atteindre une harmonie certaine entre les êtres. Elle milite pour l’épanouissement des femmes et ravive la flamme du héros séculaire. Philosophie du quotidien et sagesse populaire : Rokia la poétesse est le chantre d’une nouvelle mythologie du savoir-vivre en paix. Si le monde pouvait l’entendre… On n’est guère surpris lorsqu’on apprend qu’elle est fille de diplomate.