Depuis son premier album, Felk, enregistré avec des bouts de cuisine et de dépressions, merveille d’intimisme blues « ovalisé » par des oscillations de fréquences numériques, on a toujours été fan d’Olivier Lambin, aka Red. Après la parenthèse Songs from a room, disque conceptuel revisitant l’album entier de Léonard Cohen, voilà Red de nouveau sur la brèche, pour 33, troisième album enregistré la 33e année du rouquin, à l’âge de qui vous savez.

Red revendique l’inspiration biblique de ses nouvelles chansons. Il les a composé à partir de cut-ups Du Bouquin, faisant comme Thomas Jefferson en son temps (rappelons que la Bible de Jefferson, que lit une majorité du peuple américain, est en fait un découpage des textes sacrés originaux, version expurgée et réécrite selon le mythe américain de terre promise et de « destinée manifeste »). Red cite Monsieur Burroughs (Talkin’ William Lee song) comme figure tutélaire de cette œuvre encore une fois conceptuelle, tendance crossroads, mais avec une ambition musicale à la hauteur de son sujet.

Glanant ses mélodies auprès du meilleure de la tradition blues et folk nord-américaine, Red les alimente de son phrasé déchiré (un peu Tom Waits, comme beaucoup diront) et de lyrics à la mystique singulière. Avec Thomas Belhom, Noël Akchoté, Charlie O, Christian Rollet (batteur d’exception et père du saxophoniste à la barbe fleurie) ou Akosh S., Red a gonflé ses compositions de dynamiques de groupe, qui le transcendent et en font un songwriter de stature internationale (ce qui explique qu’il soit désormais signé sur une major et entame prochainement une tournée américaine avec Sparklehorse) Egalement accompagné des franco-suédois-new-yorkais Herman Düne sur Drunk train et The Beast in me (une reprise de Nick Lowe), il met les deux pieds dans le meilleur classic-rock avec décontraction, y glissant des bruits électroniques perturbateurs de la belle ancienneté formelle. Oscillant entre passéisme nostalgique (guitares claires, litanies du bayou) et surgissements abstraits (un vocoder, une nappe de fréquences aigues), Red est porteur de la tradition et passeur vers un réel futur musical. Qu’il invente à sa manière. Une des plus belles qui soit.