Produit par l’équipe de BMG France, pays dont Ray Barretto nous dit tout le bien qu’il pense dans ses enthousiastes notes de pochette (« J’y ai beaucoup d’amis et y ai travaillé avec de merveilleux artistes qui ont toujours été adorables avec mes musiciens et avec moi-même »), cet album propose neuf reprises de morceaux bien connus, tirés des répertoires respectifs des deux côtés du Rio Grande, comme il se devait pour celui que l’on a coutume de désigner comme le plus latin des jazzman et vice et versa : Monk, Wayne Shorter ou Billy Strayhorn pour la rive nord, Rafael Hernandez et Manuel de Falla pour la rive sud, et entre deux eaux, Duke Ellington, dont les explorations transcontinentales avec Juan Tizol ou la fameuse Latin american suite ont été parmi les synthèses les plus inoubliables des deux univers.

La production ayant proposé au percussioniste d’inviter une seconde tête d’affiche pour illuminer le casting de l’album, ce sont en fin de compte quatre grands noms qui sont venus l’accompagner, en plus des quatre musiciens habituels du New World Spirit : le guitariste Kenny Burrell, très présent, le saxophoniste Joe Lovano, le tromboniste et joueur de conques Steve Turre, dont la présence est toujours bon signe, et le contrebassiste Eddie Gomez. Arrangements léchés, peut-être un peu trop rigides (bien que la discipline soit nécessaire dans une formation de dix musiciens… ), solistes inspirés mais qui ne retiennent pas toujours l’attention, piano allant du jazz à la salsa (John Di Martino), flux rythmique souple et entraînant comme il se doit : l’album, quoique sans surprise, ne manque pas de charme.

Et puisqu’il est question de grands noms, une reprise du Like Sonny de Coltrane, magnifiquement orchestrée, et surtout un I Mean you adapté de Monk, rappellent à quel point le conguero, malgré sa discrétion et une notoriété populaire issue de ses collaborations avec Lavilliers plus que de ses enregistrements avec Lou Donaldson ou Wes Montgomery, a pu apporter le soleil de sa frappe à d’immenses noms du bop (Dizzy Gillespie, Max Roach, Roy Haynes… et également, pendant deux semaines, Charlie Parker). Irrésistiblement, c’est vers les sons secs et fascinants de ses congas que l’on tend finalement le plus l’oreille à l’écoute de ce disque, ces rythmes souples et colorés : ce sont eux qui font le prix de ces Portraits.

1) The Mooche (D. Ellington) – 2) Cotton tail (D. Ellington) – 3) Johnny come lately (B. Strayhorn) – 4) Cancion del fuego fatuo (M. de Falla) – 5) I Mean you (T. Monk) – 6) Go (W. Shorter) – 7) Like Sonny (J. Coltrane) – 8) Lamento borincano (R. Hernandez) – 9) Oclupaca (D. Ellington)

Ray Barretto (perc), Kenny Burrell (g), Joe Lovano (ts), Steve Turre (tb, shells), Eddie Gomez (b), Adam Kolker (ts, ss), John Bailey (tp), John Di Martino (p), Vince Cherico (dm), Bobby Sanabria (perc)
Enregistré à New York du 6 au 14 mars 1999