Drôle de sensation que de se retrouver pour la première fois avec un disque de Primal Scream sans y lire les mots « Creation » et « Records ». Pour nous consoler, le graphiste en charge de la pochette d’Evil heat a ressuscité le vieux logo des disques Columbia tel qu’on le voit sur les vieux disques de Bob Dylan. On pourrait aussi ironiser sur les produits issus de l’agriculture colombienne sans lesquels Primal Scream ne serait pas Primal Scream, le groupe anglais le plus influents de ces vingt dernières années. Au vu de son prédécesseur, le dérangé et fantastique XTRMTR, Evil heat manque singulièrement de rage et d’inspiration révolutionnaire. Mais Primal Scream est un supergroupe (et un groupe super) et il y a assez d’invités sur ce disque pour nous donner du grain à moudre en attendant le prochain. On dira même qu’Evil heat est le disque de Primal Scream le plus facile à aborder tant il est une forme de résumé de ses deux albums précédents, mais qu’il n’a pas le même effet de surprise qui nous avait saisi à la gorge en découvrant Vanishing point et XTRMNTR.

Deep hit of the morning sun est comme de l’ecstasy sous forme liquide, une vision west-coast psyché-melancolique à la sauce Kevin Shields, peut-être une réaction atrabilaire à Kill all hippies qui ouvrait le précédent. Miss Lucifer est une pochade electro courte et efficace, comme du Fischerspooner sous mauvais speed avec Jagz Kooner en maître d’oeuvre et Bobby qui psalmodie Shake it baby comme un Jerry Lee Lewis tombé au milieu de l’Hacienda. Rise devait s’intituler Bomb the Pentagon mais comme d’autres se sont effectivement acquittés de cette tache, Gillespie à préféré changer le titre et garder son contenu anti-imperialiste avec une ligne de basse (l’ex-Stone Roses Mani Mounfield toujours aux avants-postes) qui n’aurait pas entaché Unknown pleasures. D’ailleurs Rise donne une assez bonne idée de ce qu’aurait pu donner Joy Division produit par Phil Spector. Comme son nom l’indique, Autobahn 66 est une ballade placée sous le signe de Kraftwerk et de Neu, produite par Andrew Weatherall, qui ignore tout de la rigueur germanique et se transforme assez vite en ratage complet. Premier invité de marque, Robert Plant de Led Zeppelin harmonicise un blues électronique peu convainquant intitulé The Lord is my shotgun.

Heureusement qu’un Skull X rageur et offensif vient sauver le disque de la noyade, un morceau à la Acclrtr qui prouve à nouveau que la screamteam sait absolument s’y prendre pour résumer et compacter en un morceau des choses aussi plaisantes que le Velvet Undeground, Bob Dylan, The Stooges, Black Sabbath et Joy Division. C’est, avec Rise, le morceau le plus jouissif et efficace du disque. Jim Reid de Jesus And Mary Chain prête sa voix de chanteur de blues asthmatique à Detroit, titre electro-déjanté à danser allongé. Ensuite, Martin Duffy rend hommage à Lawrence de Felt sur Space blues #2, en écho à celui qu’ils enregistrèrent ensemble à la fin des années 80. Il y parle de jugement dernier avec toutes la lourdeur de leurs péchés (l’héroïne en premier lieu) et la certitude qu’ils ne seront pas sauvés, on en aurait presque les larmes aux yeux… City est une version garage-punk du Sick city que Bobby Gillespie avait enregistré en compagnie de David Holmes et qui n’a rien perdu de sa vigueur. La reprise de Some velvet morning en compagnie de Kate Moss amusera les gens de mode. Enfin, l’album s’achève sur A Scanner darkly, magnifique envolée de Weatherall vers des terres célestes et radieuses.

Au final, et malgré quelques ratages, Evil heat clôt de manière plutôt convaincante la trilogie de la désintoxication, commencée en 1997 avec Vanishing point. Primal Scream s’y présente comme une machine apaisée qui joue avec tous les âges du Rock’n’roll. On peut déjà prévoir que la rechute sera terrible…