Aux côtés d’Art Zoyd et d’Univers Zéro, Présent a fondé le son « franco-belge » des musiques nouvelles. Alors que ses compagnons de route fondaient dans une mythification méritée mais non pas salutaire, Présent, quant à lui, continue son travail de fond, aux confins des musiques contemporaines (Stravinsky, Bartok, Penderecki), du rock (Hendrix, Fripp) et des musiques de l’Est. Autant dire, que de l’inclassable. Si l’on veut rattacher tout cela à un groupe un tant soit peu identitaire, prenons le groupe de Christian Vander, Magma, pour la similarité dans l’énergie et l’esprit démoniaque qui l’animent.

Roger Trigaux, guitariste et compositeur, ne fait ici rien comme les autres : chef d’orchestre rock (basse, batterie, guitare) agrémenté de cordes (tendues), il compose des morceaux rapides, aux cassures rythmiques époustouflantes, d’une noirceur salvatrice, le tout porté par une orchestration de cordes qui tend vers une perfection hendrixo-lovecraftienne, tout un programme ! En cinq albums, le groupe des Trigaux (père et fils) avait démontré son aptitude hors du commun à la création de haute volée (les deux premiers albums des années 80), au développement de climats énergétiques et complexes (les suivants) ; avec le numéro six de la série, ils combinent tous les possibles, convoquent un son violent, puissant, incroyablement dur pour une musique tout en contrepoint, en hoquets continus et en montées de puissance.

La cohésion de l’ensemble n’est pas à discuter : tout est mis formidablement en place et l’incorporation d’éléments nouveaux au noyau dur de départ ne fait que renforcer la cohérence de l’ensemble. Le son atteint confine à la perfection, on pensera peut-être d’ailleurs que la magie du lieu et des hommes (en Israël), tiraillés par une violence sous-jacente de tous les instants aura donné au Présent 2000 une coloration unique et si particulière. Aux côtés d’Aka Moon (groupe jazz excellent) et Julverne, Présent est sans nul doute le représentant le plus intéressant d’une scène belge qui nous passionne depuis déjà une bonne dizaine d’année au temps où les héros d’un jour s’appelaient Cos ou Univers Zéro.