Le label français au joli nom Peter I’m Flying ! (bel hommage à Peter Pan, pour un jeune label et une nouvelle génération d’indépendants en France) s’est fait connaître avec une compilation-déclaration d’intention et un premier album de son groupe étendard Margo, alliance inédite de chanson pop française et d’arrangements electronica. Alors que sort un nouveau maxi de Margo, on voudrait revenir sur l’album de Playdoh, sorti cet été, et dont on n’a pas encore parlé ici. Car Fragments est sans doute un des très bons albums parus cette année sur un label français, d’un groupe qui n’a pas hésité à se remettre totalement en question dès son deuxième album (ce qui est la marque des véritables artistes -je ne sais plus qui disait que « l’art doit être nouveau »…). Remise en question formelle d’abord : en glissant de l’electronica dans son post-rock (même si les deux genres n’ont jamais été très éloignés), de l’électronique dans l’organique, Playdoh a réussi la fusion de ses fondamentaux et de nouvelles expériences de jeu, de nouveaux outils et de nouvelles références. Aesthetics, Hefty, Hood, The Notwist compteront sans doute parmi les labels et disques influents d’un groupe qui sait aussi s’en affranchir et proposer sa vision musicale. Fragments est donc composé d’une succession de… fragments, évidemment : les musiques et les voix se télescopent doucement, les éléments sonores entrants et sortants du disques comme autant d’individus particuliers, distincts (un bleep, un glitch, une trompette, un chuchotis cinématographique). Ces éléments, bien séparés, qui rythment le disque (tous les inserts, mais aussi les beats synthétiques, volontairement forts en volume, clairs et distincts) témoignent d’un certain art de la production, du mixage et de la colorisation, sur un canevas pourtant toujours identique : longues séquences ambiantes, phrases musicales étirées et répétitives. Le tout est porté par une figure vocale androgyne, féminine et masculine en alternance, qui énonce en retrait et sans pathos (plutôt parlé que chanté), des sentences telles que :  » Silence / You’re sarcastic / Slice way to your mind / Are you selfish ? » (Silent)… Les textes en anglais, parfois inaudibles, souvent énigmatiques, participent d’une ambiance évanescente et de tonalité plutôt sombre (évoquant parfois quelques nostalgie new-wave parisiennes, Carmine, par exemple). Tous ces fragments, au final, forment une harmonie mélancolique, et le portrait attachant d’un groupe de singularités multiples. Qui s’entendent bien, à n’en pas douter…

Autre label français de musiques aventureuses (les compilations « Bucoliques », Acetate Zero), Arbouse Recordings persiste et signe en matière d’électronique en sortant l’album de Arco 5, projet d’un jeune toulousain inconnu. Alors que tout le monde aujourd’hui semble être un peu revenu de l’electronica et des laptop, au profit de genres musicaux plus ou moins rigides (pop meets electronica, rock meets house, etc.), Arco 5 propose un album ouvertement electronica, revendiquant une multitude de stratégies sonores, depuis son introït Erotribe pointilliste, évoquant un Sign O’the times suspendu et paranoïaque, en passant par des Baleines froides à la Plaid, les beats old school de Hd.142.B ou les voix féminines indistinctes de Hésiterie. Quelques basslines electro bon marché ternissent à peine un disque mariant efficacement recherche et spontanéité. Tous les territoires de la musique électroniques n’ont donc pas encore été défrichés.