Il y a deux ans, Gareth Mitchell -qui a quitté Amp- s’était fait remarquer en balançant dans nos tympans ébahis (si, si, c’est possible) un petit OVNI sonore, Preparation. Etait-ce la préparation au grand chamboulement qu’il nous réservait avec Apparatus, lui seul le sait, mais sur ce coup-là, il prend clairement la tangente. Preparation gardait au fond de lui les structures de la pop, laissait transparaître à certains moments les textures du « morceau classique », avec des bribes de basse, quelques voix. Sur Apparatus, rien de tout ça. L’album est en fait composé uniquement de sons de guitares enregistrés et soigneusement sélectionnés par Gareth Mitchell, avant d’être entièrement retraités, découpés, samplés, convertis en une sorte de trame sonore par la magie de la technologie. C’est donc une collection de « soundscapes » qui sont livrés, sans mode d’emploi. Tout repose sur la qualité d’écoute de l’auditeur, sur ses facultés de perception. De fait, plusieurs écoutes sont nécessaires pour saisir les subtilités de ces neuf titres, tant différents niveaux de lecture sont possibles.

En bon maniaque du son, Gareth Mitchel a multiplié les strates sonores, parsemant ses compositions de menus détails qui peuvent, à la deuxième et à la quatrième écoute, mais pas forcément à la troisième, faire la différence. Difficile d’accès, la musique de Philosopher’s Stone ? Pas si sûr, mais pas évidente, c’est clair. Son travail peut être rapproché de celui du collectif californien RH Band, spécialistes de l’improvisation semi-digitale, ou mieux encore, de leurs compagnons de label -l’excellent et indépendant Drunken Fish- Southerning, des évadés de Jessamine. On pourra citer également Thomas Köner, Scanner voire Main pour la démarche. Côté précurseurs, c’est vers Cluster ou même Tangerine Dream que l’on ira fureter. Ecoutez, pour vous en persuader, les étranges et envoûtant Valeta et An apparition. Architectures complexes pour un résultat simple en apparence, et qui peut paraître monolithique. Les constructions sonores de Gareth Mitchell demandent, plus qu’une attention de tous les instants, une certaine disponibilité d’esprit, qui permette de s’immerger totalement dans la musique et de se laisser guider, morceau après morceau, vers une forme de perception globale. Conceptuel et fumeux ? Pas tant que ça. Ca peut même s’avérer reposant. Confluence, Snake ou Lost n’ont pas leur pareil pour s’immiscer dans votre cerveau et y faire leur petite tambouille. Et finalement, pour une fois, on pourra dire sans passer pour un crétin qu’Apparatus est un album éminemment cérébral, et souvent passionnant. Bon voyage !