La Panthère rose de Mancini façon guitare saturée, ça vous tente ? L’inoubliable Wind of change des Scorpions revisité / déconstruit arty trash ? Weather Report amphétaminé (Birdland) ? Et Smoke on the water jazzé ? C’est l’expérience que propose l’allemand Jan Zehrfeld, tête pensante de Panzerballet (bravo pour le nom, censé indiquer l’envie d’une alliance, je cite, entre « la souplesse mouvante du ballet et la puissance agressive du char ») dans Starke stucke, délirant cocktail de jazz prog un peu lourd (façon Tribal Teck, ce genre) et de sonorités grassement heavy metal, le tout sur des tempos fébriles et dans une ambiance de garage enfumé vers le milieu de la nuit, à une heure où les voisins pourraient se plaindre, vu le volume déployé. « Zehrfeld aime la musique forte et puissante », indique benoîtement le dossier de presse au sujet de ce trentenaire passé par le violoncelle avant d’aborder la guitare jazz, formé au sein du « Passport » de Klaus Doldinger, amateur patenté de frissons hardeux, dûment expérimentés par sa pomme au sein d’un groupe inconnu de notre bataillon mais que les spécialistes du genre connaissent peut-être (SLID, où l’on donne dans le speedcore à la manière de Slayer et Exodus ; ne comptez pas sur nous pour vous en dire davantage, et allez le cas échéant faire un tour sur leur page MySpace), mais aussi, donc, de choses plus douces et/ou cérébrales (électro, jazz fusion, etc). Signé sur « Young German Jazz », la division spéciale créée en 2005 par le label ACT, division qui semble manifestement opter pour une politique, sinon de rupture, en tout cas de nette ouverture, cet intéressant vibrion nous balance donc un premier album en quintet (Andreas Dombert, guitare ; Gregor Bürger, sax ; Florian Schmidt, basse ; Sebastian Lanser, batterie) fort pêchu et intello, avec guest stars guitaristiques grand luxe (Nguyen Lê est de la partie, Ulf Wakenius aussi). Résultat : une sorte de joyeux bordel virtuose hardeux qui ne recule pas devant le mauvais goût, qui saute les deux pieds dans les mauvaises blagues avec un sens très pointu de la provocation, qui fatigue vite mais qui réjouit intensément. On se demande à chacun de ses morceaux (quelques originaux, beaucoup de reprises gags) si c’est un attentat ou une blague. Musicalement, c’est en tous cas plutôt abouti. Pour situer, disons qu’on se tient entre Lounge Lizards et Sex Mob d’un côté (pour le côté intello arty), Black Sabbath ou AC/DC de l’autre (chacun repris, cela va de soi), ou encore Acoustic Ladyland (le cousin briton de Zehrfeld ?). C’est jouissif mais épuisant, et on recommande d’écouter le disque par petites tranches. Il y a quelques années, l’improbable organiste japonais Kankawa, entouré de vedettes américaines (Dennis Chambers, Hiram Bullock & compagnie) avait gentiment lancé le concept de « hard-rock jazz » dans un mauvais album tape-à-l’oeil. C’est un peu la même idée, mais réussie.