On n’avait pas été plus convaincu que ça par les dernières nouvelles de Nils Petter Molvaer : quoique honnête, son Streamer live laissait comme un goût de légèrement inachevé, et l’album de reprises que lui ont consacré quelques pointures de la scène électroniques, Remakes, semblait franchement avoir quinze ans de retard. Bonne nouvelle : avec ER, son nouvel album en studio, il revient à son meilleur niveau et, effaçant toutes les scories qui pouvaient laisser dubitatif dans ses précédentes productions, donne un disque d’une sensualité, d’un dynamisme et d’une puissance hypnotique à peu près parfaites. Ceux que les récentes tendances du jazz electro laissent de marbre continueront sans doute de faire la fine bouche, mais les aficionados du genre en général et des directions qu’y prend le trompettiste norvégien en particulier repéreront les avancées, les lignes de rupture, les légers décalages, les choix de mise en scène et de montage qui font toute la différence entre ce ER de toute beauté et les précédents albums, parmi lesquels, à cette aune, un tri s’impose. La grande force de Molvaer ? Avoir réussi à mêler l’étirement des durées et l’impression d’hypnose qu’ont toujours provoquée ses longues plages électroniques tout en les condensant de manière à ce que l’album ne dure guère plus de 45 minutes : durée parfaite, sans temps mort ni période d’alanguissement, avec un sens de la contraction et du dosage impeccables. Toujours entouré de son team de programmeurs (Knut Saevik, Reidar Skaar, Jan Bang et le fidèle Dj Strangefruit), Molvaer a ménagé une place plus large qu’à l’accoutumée à la voix : on retrouve le timbre hallucinant et envoûtant de la sublime Sidsel Endresen, complété ici et là par celui (moins indispensable sans doute) du rappeur InfiniteLivez. Pour le reste, Magne Furuholmen (piano), Eivind Aarset (guitare) et Rune Arnesen (batterie) assurent un environnement acoustique et électrique sobre, que le maître d’œuvre fond parfaitement dans les nappes et les bulles électroniques sorties de ses machines. Espaces blancs, textures étranges, limpidité fragile du filet de la trompette redoublé de clones, ascétisme et splendeur des mélodies, sobriété et discrétion de la rythmique, suggestion plutôt que démonstration : Nils Petter Molvaer donne sans doute ici son meilleur album depuis ses deux premiers chez ECM, Khmer et Solid ether.