Non, nous ne sommes pas des fans de Nikki de la première heure. A vrai dire, même en ayant croisé à maintes reprises ce nom semi-mythique, en particulier en feuilletant Nineteeen, on se le représentait comme un croisement entre Alex Chilton et Tav Falco, en plus anglais et junkie. C’est en quittant Bloomington, Indiana, où nous assistâmes en septembre au désormais rituel festival Secretly Canadian/Jagjaguwar, en direction de l’Ontario, que le choc se produisit. Chris, le boss de Secrelty Canadian, nous avait remis les premières rééditions, sous forme de double CDs, de l’intégralité de son oeuvre des années 80. Ainsi, sillonnant l’Ohio, la Pennsylvannie et l’Etat de New York, avec notamment une mythique traversée de Buffalo, ville d’origine Vincent Gallo, de Rick James et Lydia Lunch, nous écoutâmes Nikki pour la première fois de notre vie, en boucle, dans l’autoradio de la Buick. Ce fut une révélation à tout point de vue, sa musique tenant parfaitement le poids des années, en dépit d’une production parfois fort erratique.

C’est juste après la dissolution des Swell Maps que Nikki mena judicieusement sa propre révolution post-punk, en se lançant en solo avec son frère, Epic Soundtracks, au pseudo lui aussi mythique. Collision frontale des Rolling Stones, de T-Rex et des TV Personalities en pleine Angleterre thatchérienne, ses deux premiers albums en solo, Waiting on Egypt et The Bible belt possèdent leur pesant de guitares héroïques qui révèlent parfois un chant encore plat mais décidé. Ainsi, Channel Steamer, improbable hymne new wave avec des choeurs féminins et des cuivres, ou New York, ode superpunk, sont des chansons particulièrement enlevées sur lesquelles Nikki bombe le torse et relève la tête. Le résultat s’avère particulièrement jouissif même si l’album est encore inégal. English girls qui figure sur Bible belt renoue merveilleusement avec d’anciennes influences psychédéliques et folk rock. C’est à cette époque, en 1983, que Nikki commence à comprendre qu’il ne sera malheureusement jamais un nouveau Mick Jagger mais plutôt une sorte de perdant magnifique, version 80’s, voguant de petits labels en tournées très rock’n’roll. Ce deuxième album plus sombre, marque une forme de voyage intérieur zébré de guitares incendiaires.

Après avoir formé les Jacobites en compagnie de Dave Kusworth et joué avec Rowland S.Howard des Birthday Party, enregistrant dans la foulée trois autres albums, Nikki atteint son sommet artistique en 1986 et 1987 avec ses deux albums enregistrés pour le compte de Creation, le label d’Alan McGhee. Texas possède ainsi une aura trouble et mélancolique, au gré de perles comme Jangle town, habité par un chant désormais reconnaissable entre mille autres, et de morceaux qui traduisent comme nuls autres le spleen de la décennie en cours, Death is hanging over me en tête. Ces deux albums constituent donc de majestueux disques de chevet, Dead men tell no tales étant à ranger du côté de Third d’Alex Chilton/Big Star, un disque sombre au romantisme désespéré. Les guitares électriques sont belles et claires, surtout sur Before I leave you et How many lies, sommets de cet album remarquable, qui fait, quinze ans après, figure de trésor caché des années 80. A redécouvrir d’urgence, en attendant les six autres albums réédités. A noter également que le son, les notes de pochettes et les titres bonus sont tout simplement parfaits.