Matmos est un duo californien composé de Drew Daniel et M. C. Schmidt, qui fait une musique à mi-chemin de la musique électronique et de l’art conceptuel : composés avec sampler, claviers analogiques et surtout à partir des sons les plus divers et d’enregistrements en plein air (trains, cheveux, bouteilles, etc.), leurs morceaux donnent à entendre un univers sonore étonnant qui transforme le réel (Schmidt est d’ailleurs co-manager du département d’art conceptuel du San Francisco Art Institute). Initialement sorti sur leur propre label (Vague Terrain), leurs deux premiers albums (ici en visuel, le premier) utilisent quasiment un concept par morceau, dans un esprit dada reconnu et affirmé. Basée entièrement sur l’échantillonnage et une savante technique d’assemblage des sons, la musique de Matmos n’est pas aride pour autant et peut aussi faire rêver, notamment grâce à la présence fréquente de voix et de rythmes aussi originaux qu’étranges (il y a même de la drum & bass sur This is…).

Bien sûr, on pense aux canons de la musique électro-acoustique : percussions métalliques, verres qui s’entrechoquent, processeurs qui hésitent, circuits qui se heurtent, ajoutez une vraie basse (comme sur Three guitar lessons) et vous obtenez un cocktail d’une richesse qui leur a valu d’être inévitablement comparés à Autechre, Alec Empire ou Mouse On Mars. Quelques morceaux (Verber : amplified synapse) extrêmes dans les fréquences et les distorsions font penser à Pan Sonic, qui eux aussi œuvrent plus dans le conceptuel que dans la chanson, d’autres, extrêmes dans le minimalisme (soupirs dans le désert, cris lointains comme dans le crépusculaire Nugent sand) évoquent les paysages sonores du Brian Eno des Ambient series ou de l’album Happy days de Jim O’Rourke. Ceci ne les empêche pas d’œuvrer dans divers domaines, puisqu’ils ont remixé Alarm call de Björk, et ont collaboré sur leur troisième album, The West, avec Dave Pajo (Aerial M, Tortoise), ami d’enfance du groupe. Drew Daniel est d’ailleurs un vétéran de la scène indie de Louisville (Kentucky), la ville de Slint avec qui il a partagé nombre de beuveries (le monde est petit). Récemment, le groupe a participé à RGB (Red, Green, Blue), projet du label Source Research de Glasgow (concept : chaque artiste évoque une couleur sonore élémentaire). Enfin, Drew et Martin évoluent dans des projets tels que IAO Core (avec des membres des Amber Asylym, Tipsy…) et Disc (avec Jay Lesser, patron de l’excellent label Vynil Communications). Une pléthore de collaborations indicatrices d’un univers musical vaste et passionnant, un groupe à écouter au casque cet été, à l’ombre des tonnelles (ou cet hiver, à la lumière d’un halogène)…