La réédition des plus grands succès du crooner éthiopien. Almaz date de 73, Erè mèla mèla de 75. Le premier album n’est jamais sorti en dehors des frontières éthiopiennes sur un label étranger. Il a donc fallu que cette collection dirigée par Francis Falcetto chez Buda existe pour qu’on y ait droit. Le second a reçu les honneurs de la presse occidentale en 86, lors d’une brève apparition sur la scène de la sono mondiale. En exhumant ces deux joyaux de la pop éthiopienne, on a voulu rendre hommage au talent. Mahmoud Ahmed, cireur de chaussures dans son enfance, devenu maître de l’ethio-jazz avec l’âge, est l’homme qui sut rendre folles les nuits d’Addis, même à l’époque d’une dictature du colonel Mengistu, qui ne supportait guère d’autres mots que ceux de la censure.

Son groove libérateur, urbain, électrique et funk à souhait, l’emportait sur la terreur le temps d’un concert dans les clubs de la capitale. Sa voix lancinante et mélodique, la mélancolie qui l’accompagne, ses intonations légèrement influencées par la chanson indienne et arabe, son beat issu de la culture gouragué, ses penchants pour la soul, le jazz ou l’afrobeat, son jeu de scène entraînant, lui ont attribué de fait une place à part dans l’univers musical africain. Et dire qu’il est rentré dans ce métier par accident…

Un soir, alors qu’il était employé dans un club, il a voulu remplacer au pied levé les chanteurs vedettes du groupe programmé. Ils avaient un engagement ailleurs. Sa prestation, surprenante, l’a tout de suite fait intégrer dans les rangs de l’official Impérial Body Guard Band. Autant dire… James Brown accompagné par des flics. Il n’empêche : son talent s’est dédoublé. Ces deux albums, d’un très bon cru, en témoignent largement. Dommage que personne n’ait pensé à lui faire enregistrer un nouvel opus. A son dernier passage à Paris, en juin, le délire était total. Le New Morning ressemblait fort à un temple de la nuit en plein Addis. Le temps d’un concert. A quand la suite ?