Comme le dit si bien Julien Loquet aka Gel, notre jeune espoir français préféré : « L’avenir de la musique, c’est la pop ». En témoignent son projet très attendu, Dorine Muraille, et quelques incursions notables de figures notoires de l’electronica vers une musique faite de mélodies et d’harmonies : Christian fennesz qui fait son Brian Wislon laptop, Noriko Tujiko sur Mego, les bruxellois Ming, et désormais, Lali Puna, sur Morr Music, avec un album sobre, inquiétant et important, Scary world theory, entre electronica sous méthadone et pop artificielle.

La musique de Lali Puna se résume à quelques éléments simples mais essentiels : une boîte à rythme métronomique ou saccadée, des orgues minimaux, une basse alternativement électrique ou électronique, une guitare sommaire, de petits ponts de nappes mineures, des phrases musicales inversées et ténues, le tout surplombé par une voix en avant et atonale, vacillant parfois vers le faux, égrenant des lyrics doucement apocalyptiques. La très simple apocalypse du quotidien : la voix sans émotion de la chanteuse instille son effrayante théorie d’un monde dévidé (« Born / Bored / Discovered / Born / Bought / Discouraged »), d’une communauté sans lien (« They say nothing to me / I say nothing to them / Sometimes I can’t believe this is home »), d’un partage impossible (« I am answering your questions / But you won’t listen anyway / I could be mute »), nihiliste et adolescente, dans une ambiance à la Lain.

Comme du Ladytron anémié ou du Michiko Kusaki clairement chanté, Lali Puna se situe à la frontière de plusieurs genres (electronica, new-wave, post-rock, pop) pour mettre au monde une singulière façon de pleurer un monde déjà disparu. Des break-beats tordus sans astuce, mais simplement beaux, une ambiance poisseuse et synthétique, des loops de voix sans âme, la sobriété l’emporte finalement sur la « sombriété », pour proposer une alternative désenchantée : « All the things we do are pin-up sweet / In between we’re recorders / In between we try ». Entre le néant et la consomption, Lali Puna enregistre des disques, Lali Puna essaye. Et réussit.

Comme un journal intime adolescent et morbide, Scary world theory ne s’embarrasse pas d’expressionnisme, mais va droit au but, par des mélodies d’une farouche et belle évidence, et touche le cœur de la cible, en quelques phrases simples et définitives : « Quit your jobs / Don’t cross your fingers / Don’t work for people / You can’t trust / (…) Don’t take the middle curse / Don’t hesitate, it’s overdue / Suit or revolt, it’s up to you ». Par intégrité et par souci d’exigence, Lali Puna est un groupe révolutionnaire.