La Route du Rock – Jour Troisième

La joie de troquer les bottes champêtres pour les bottines citadines en ce troisième jour est très vite tempérée par une déception : Annie Calva jouait la veille. Je me console en me disant qu’un malheur n’arrive jamais seul et que j’ai échappé à Pégase sur la plage plus tôt. Mais j’ai aussi raté Perfect Pussy que je rencontre en interview vers 22h — parler de tout, sauf de leur concert. Les dernières notes de Mac DeMarco et le débrief avec des professionnels de la musique : le verdict est unanime, tout le monde trouve ce type « sympa ». Le bassiste d’un groupe breton, de Lanhouarneau si ça intéresse quelqu’un, trouve quant à lui le concert « cool mais pas top » et ajoute que « c’était mieux à Primavera » — comme quoi, du bagou finistérien aux accents hype du Point Ephémère, il n’y a qu’un pas. L’interview de Perfect Pussy est avancée. Je pose une question à Meredith Graves et plus personne ne peut l’arrêter, pas même l’attachée de presse stagiaire qui me demande à l’oreille de conclure. Surpris par tant d’audace, je comprends qu’il ne s’agit pas d’une invitation sexuelle et abrège les débats avec Meredith d’un « thanks, I think we’re out of time ». Je me félicite d’avoir osé couper Cruella d’Enfer Graves. Ah oui, son bassiste était là aussi, effacé. Il reste donc du temps pour voir Baxter Dury. Alors qu’autour de moi tout le monde se persuade que c’est un super concert, je demeure inflexible sur mon jugement : c’est frustrant. Il faut comprendre par là ma déception de ne pas avoir entendu plus de morceaux de Len Parrot’s Memorial Lift. La magie de la nostalgie n’opère pas sur moi et je boude un peu mon plaisir. Mais je dois bien admettre que l’ambiance feutrée des canapés chesterfield semble séduire un public fatigué par deux nuits d’intempéries et détendu par quelques rayons rayons de soleil. Toy monte sur scène. Mon voisin de gauche, à l’évidence profane, décrit le groupe comme le ferait mon père : « on dirait du Van Halen, mais il leur manque un chanteur ». Il se ravise au deuxième morceau : « ah non, on ne dirait pas du Van Halen, mais il leur manque quand même un chanteur ». Et force est de constater que Toy excelle dans les phases instrumentales montantes, très électriques, soutenues par un jeu de lumières stroboscopiques et épileptiques. A l’inverse, les mesures arrangées et accompagnées de chant manquent parfois de profondeur de sorte que les morceaux paraissent un peu plus ternes sans jamais sombrer dans l’insipide. Un bon concert.

Le temps d’aller chercher des bières au bar VIP pour des amis de rang inférieur munis de jetons qu’ils n’utiliseront plus, et c’est l’heure de décourvir Temples. Je n’attendais rien de ce groupe et suis agréablement surpris. L’écoute de Sun Structures avait classé les Anglais sous les Australiens de Tame Impala, mais la hiérarchie du Commonwealth est respectée sur scène. Autant les digressions « psychédéliques » de Tame Impala rendaient leur prestation ennuyeuse l’année dernière, autant la sobriété d’exécution affichée par Temples vise l’efficacité. Du coup, je me surprends à regarder le concert en entier sans même chercher de vanne à écrire sur le look ou la coiffure du chanteur. Il sera donc question de Cheveu. Les morceaux facétieux des albums tournent à une vaste blague sur scène, une sorte de Plus Grand Cabaret du Monde avec de la noise. J’ai une préférence pour les morcaux de Bum, plus fleuris et plus riches que ceux de leur premier album, plus monomaniaques. Je crois que j’aime bien leur concert mais ne saurais l’affirmer avec certitude. Jamie XX ? Un vif débat avec ma conscience journalistique se conclut de la sorte : non. Je ne resterai pas regarder un musicien tourner trois boutons sur une table de mixage alors que son groupe a déjà joué en 2012. Mais la fuite implique aussi de faire l’impasse sur Todd Terje. It’s Bed Time. Je décide de quitter le site et me dis que je perds en professionalisme ce que je gagne en sommeil.