Ai-je mis le bon CD dans la platine ? On dirait une intro de Suzanne Vega. Ou une production de son producteur de mari Mitchell Froom. Mais non, c’est bien la voix de l’ex-Throwing Muses, Kristin Hersh qui apparaît enfin. Une surprise, bonne surprise même, que cette intro au piano électrique, cette douce voix qui se pose délicatement sur ce tempo élastique et souple (Echo). On se dit que des guitares acoustiques seules, Kristin Hersh en a soupé, et a fait heureusement un peu évoluer ses arrangements vers les claviers. Et puis, au bout de quelques minutes, le gros son issu du dernier Throwing Muses, University (1995), revient (Fog). Et là, on est un peu désappointé même si les morceaux sont toujours aussi bons (Clay feet semble directement issu de cette période University).
Car la native d’Atlanta (elle est amie avec Michael Stipe qui avait chanté sur Hips and makers, son premier album solo en 1994) revient avec ce que l’on aime peut-être le moins chez elle : son côté rock brut et sec sans nuance. Ses deux premiers efforts en solitaire nous avaient ravis par leur dépouillement et la profondeur des propos de la dame. Les concerts qui avaient suivi étaient d’une beauté rare pour les oreilles. Elle, sa superbe guitare (fabriquée par un luthier du sud des Etats-Unis et spécialement taillée pour son petit corps) et un violoncelle avaient suffi à notre bonheur.
Que se passe-t-il donc sur ce troisième (quatrième ?) album (elle a publié un disque à la fin de l’année dernière passé un peu inaperçu) ? Non contente d’avoir dispersé son ancien groupe, elle joue elle-même à reproduire le son du trio (Fog, A cleaner light, Cathedral heat). Pas que ce soit raté, mais on attendait sans doute autre chose de la chanteuse.
Pourtant, cet album est plus varié, moins acoustique et plus riche dans les ambiances (écoutez le morceau caché aux cigales). On retrouve ainsi quelques perles comme le tiercé Husk (poignante prière de miséricorde), Cafeine et Spring. Sans doute Kristin Hersh ne retrouvera-t-elle plus ses anciens comparses et joue-t-elle donc aux Throwing Muses et à Kristin Hersh toute seule. A nous, donc, de nous y habituer et de ne plus vivre dans le passé bicéphale de la chanteuse.