Premières impressions lorsqu’on examine l’aspect visuel de cet album… On imagine tout d’abord une musique désincarnée : collages d’images disparates, nom d’artiste abrégé en un logo indistinct, absence de titres (ceux-ci figurent en fait sur une tranche du CD), typographies décharnées… King Q4 est-il l’énième électronicien conceptuel s’évertuant à se planquer derrière une armée de machines ? Fait-il partie de ces flemmards qui se contentent de laisser parler les longues séquences de boucles à leur place ?

A vrai dire, les a-priori s’envolent très vite dès l’ouverture du disque… Quelques couches sonores se superposent et s’entremêlent de manière subtile, un rythme s’installe et dévie habilement vers de doux breakbeats aléatoires… Soudain, les mélodies se transforment. On sent alors un véritable désir de construction, d’écriture… Ce qui se confirme dès le second titre : DX2. Elaboré à partir de synthés squelettiques, d’une ligne de basse rudimentaire et de rythmiques au son organique, ce morceau semble tout d’abord ne posséder qu’une simple structure répétitive. Quelques cassures inattendues arrivent alors, sans prévenir… Puis, les mélodies initiales reviennent, passées dans de discrets effets. On constate alors que l’utilisation de légers filtres résonnants ou de delays amène une évolution progressive, remettant perpétuellement en cause les sonorités entendues… Un peu plus loin, sur Pitch, King Q4 arrive à un stade de composition qui frôle la narration littéraire. On plonge alors dans la seconde partie de l’album. Tout en conservant ce son frêle, qui semble être sa marque de fabrique, le musicien s’engage dans une longue comptine, en plusieurs mouvements. Enchaînés avec élégance, ceux-ci nous baladent entre harmonies naïves et étranges dissonances, tranchées au trémolo. Un amer sentiment de nostalgie émane du titre suivant, Brad. Ici, les mélodies mélancoliques entrent en conflit avec des rythmes incisifs et quelques notes décalées ; comme si de paisibles souvenirs d’enfance étaient soudainement parasités par la réalité…

Pour son dernier morceau, Kaliba, Q4 joue la carte de l’imprévu. Cinq minutes d’ambient serein, empli d’instruments exotiques, qui basculent brutalement vers du noisy rock dépouillé, guidé par un sample de voix saturée, obsédant au possible. Un final agressif et douloureux, clôturant l’album de manière spectaculaire… Au final, toutes ces émotions brutes nous amènent à reconsidérer un stupide préjugé : la musique de King Q4 n’est pas désincarnée.