On l’attendait depuis longtemps, ce coffret Joy Division. Et voila qu’il tombe presque sans crier gare, tout proche de Noël. Avouons d’emblée que l’on ne s’est pas moqué de nous pour cette affaire. Tout d’abord, ce coffret de 4 disques est très luxueusement présenté, avec un booklet énorme comprenant de nombreux textes intéressants, des photos rares ou inédites et une discographie complète. Les CD, quant à eux, retracent la carrière complète du groupe, de 1977 à 1980. Etonnant de penser qu’une carrière si courte -et pour cause- aura engendré un tel culte. Joy Division est devenu une référence absolue, à tel point qu’on en avait presque oublié la musique pour ne plus voir qu’une icône, ne garder qu’un nom synonyme d’excellence. Ce coffret sera pour tout le monde -initiés possédant une importante part de leur discographie ainsi que novices effrayés jusqu’alors par cette ombre effrayante- l’occasion de redécouvrir un groupe profondément novateur. Car la force immense de Joy Division, ce fut de poser des jalons dans des territoires inconnus, musicaux ou non. Car il faut se rendre à l’évidence, aucun membre du groupe n’était un instrumentiste hors pair. Ian Curtis était loin d’être un chanteur, et pourtant, l’ensemble des sons produits par ces quatre-là fonctionnait sur l’auditeur comme un électrochoc. Non, il faut chercher ailleurs les fondements d’une telle vénération. D’abord dans la personnalité de Ian Curtis, introverti, torturé, enfermé dans une attitude sans concession, tournant volontiers le dos à l’industrie du disque. Egalement dans les intuitions de ce leader au charisme glaçant, épileptique fulgurant. Les idées fourmillent dans tous les morceaux ou presque de Joy Division, tant sur le plan de la composition que sur celui du son. Rarement un groupe aura apposé un sceau sonore avec une telle violence. Par exemple en utilisant des sons synthétiques comme personne à cette époque ou en mettant à l’épreuve du chant une voix à l’atonalité chronique.Tout cela, des petits riens parfois, des banalités mises en exergue comme pour prouver une certaine médiocrité ont abouti, en parfaite harmonie -pour une fois- avec les complexes d’infériorité dont souffrait Ian Curtis, à la création d’une chose monstrueuse et belle, une oeuvre musicale sans pareil : cette musique du corps et de l’esprit qu’il vous est donné de retrouver sur Heart and soul, à travers un voyage dans toute la discographie de Joy Division. Bien sûr, vous retrouverez les grands classiques : les premières bandes de l’époque Warsaw et du EP Ideal for living, les morceaux épidémiques de Unknown pleasures (New dawn fades, She’s lost control, Shadowplay, Wilderness…) et de nombreux titres rares ou inédits (John Peel Sesions, live ou des sessions jusqu’ici laissées dans des tiroirs). Inutile de préciser que ce coffret est essentiel pour tous.