Tous les deux ans, John Cale regarde un film ! Et en sort une musique… Bon, trêve de billevesées et de railleries sur le grand John, nous sommes quand même face à une musique qui manque d’une chose. De temps sans doute. Si John signe régulièrement les musiques de films d’auteurs –Paris s’éveille d’Olivier Assayas en 1991 ; La Naissance de l’amour du même Philippe Garrel en 1993 ; N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois (cette fois acteur dans Le Vent de la nuit) en 1996 ; un bout de Basquiat de Julian Schnabell en 1997- ou donne des œuvres live -projection de L’Inconnu de Tod Browning (1995 à Ciné-Mémoire) ou musique de scène pour le ballet Nico l’an dernier-, il le fait quelquefois trop en dilettante. C’est, croit-on à la première écoute, sans doute le cas aujourd’hui. Ou l’impression que ce disque de trente-six minutes (dont seulement seize pour la B.O.) nous donne.

Principalement constitué des (très courtes) vignettes d’illustration musicale du dernier film de Philippe Garrel, cet album nous emporte pourtant très loin dans des rêveries paradisiaques qui n’ont rien de commun avec l’ambiance assez morose (pour ne pas dire noire et désespérée) du film. La grande nouveauté ici, est que John ne se contente pas de son seul piano. Il livre quelques pièces (les plus intéressantes) accompagnées d’une guitare slide, superbement jouée par Mark R. Deffenbaugh, genre de Ry Cooder en moins maniéré. Minimaliste comme il sait si bien le faire, John Cale nous transmet le repos que l’âme du personnage interprété par Daniel Duval rencontre enfin à l’épilogue du film. Si cette illustration musicale d’une dépression lente mais irrémédiable nous retient un peu dans notre plaisir, c’est que les pièces sont trop courtes (de vingt secondes à trois minutes), admirablement bien distillées dans le film mais trop décousues sur disque, contrairement à la merveilleuse unité de La Naissance de l’amour, il y a six ans.
Pour compenser ce manque, John Cale nous offre en plus cinq poèmes musicaux (vingt minutes en tout) intitulés Memories of Paris. Toujours au piano et à la slide, il nous livre la quintessence de son art (de superbes glissandi de slide) et la maîtrise totale de son instrument de prédilection, en accompagnement cette fois.