Retour au trio pour le pianiste franco-américain, cinq ans après le dernier album (Alive) de celui qui, avec Ugonna Okegwo et Leon Parker, lui avait offert la notoriété dans les années 90. Ses partenaires s’appellent aujourd’hui Sean Smith (contrebasse, compagnon de route de Gerry Mulligan, Lee Konitz et, surtout, Helen Merrill) et Eric Harland (batterie, entendu notamment aux côtés de McCoy Tyner et rencontré par le pianiste à l’occasion de l’enregistrement en studio de la musique du film Girlfight) ; il aura passé avec eux près de deux années sur les routes d’Europe et d’Amérique avant de graver à Pompignan, en France, les treize plages de ce Smile à l’intitulé résolument positif et optimiste -le morceau éponyme est la seule composition connue de Charlie Chaplin. Volontiers intimiste, délibérément simple et sobre, Terrasson cultive ici une manière de mélancolie pudique que symbolise parfaitement la reprise, tout en réserve et tendre délicatesse, du Jardin d’hiver qui avait voici quelques mois illuminé le retour d’Henri Salvador.

Standards (le Nardis tant prisé de Bill Evans, l’incontournable Autumn leaves que vivifie une aventureuse interprétation soliste, My funny Valentine), salut au maître Bud Powell (un tonique Parisian thoroughfare en guise d’apéritif), chansons françaises dont on sait depuis A Paris combien Terrasson affectionne les mélodies, un Isn’t she lovely emprunté à Stevie Wonder et deux originaux : le parcours, s’il autorise quelques escapades et propose plusieurs surprises et pointes d’humour, semble avoir été dessiné tout exprès pour permettre l’exploration d’un climat lyrique et poétique qui embrume tout le disque et, à la faveur d’un solo final d’une contagieuse mélancolie, oriente l’impression générale. La réussite est souvent au rendez-vous, surtout lorsque le pianiste s’appuie sur les cadres discrets et légèrement groovants de ses partenaires (Nardis ou l’excellent Mo better blues de Bill Lee) ; on regrettera ailleurs un penchant à la joliesse peut-être trop appuyé et, malgré toute la sincérité qu’on lui sait, une interprétation qui n’évite pas toujours l’affectation que l’on a jadis pu reprocher, par exemple, au Jarrett des concerts en solo.