Effluves du vent qui se déhanche, magiques sonorités de l’eau qui coule, bruits de chevaux qui galopent, drôles de voix qui s’envolent de l’immensité des steppes d’Asie centrale… De Touva leur terre, on ne connaît rien ou presque. On sait que c’est la Sibérie du sud. On sait aussi que ce fut pendant fort longtemps une terre soviétique, après avoir été envahie par les Chinois, les Mongols, les Turcs, les Huns et les Russes (pour n’oublier personne). Aujourd’hui, c’est devenu une jeune république autonome qui navigue tant bien que mal dans l’Histoire de plus en plus complexe des peuples et des nations qui s’affirment.
Est-ce pour cela que Where young grass grow nous paraît être un délice à part dans la bataille d’authenticité que se livrent les musiques du monde en ce moment? C’est pourtant le quatrième album du quatuor Huun-Huur-Tu, ensemble déjà salué par la critique spécialisée, notamment lorsque ses membres acceptèrent (entre deux représentations) en 93 de mettre leurs voix au service de la bande originale du film Geronimo sous la tutelle de Ry Cooder. Accompagnés ici par quelques instrumentistes théoriquement étrangers à leur univers (la harpe, le tabla, le banjo…), les Huun-Huur-Tu, connus également pour leur collaboration avec les Chieftains ou encore avec Frank Zappa, continuent de nous impressionner avec leurs chants de liberté, qui rendent sans cesse hommage au galop des chevaux, base rythmique sur laquelle s’étire leur répertoire. Voix de shamans aux harmonies éclatées entre l’aigüe et le guttural, voix de gorge inimitables qui expriment avant tout la sincérité et les amours simples mais ô combien nécessaires à notre humanité, les Huun-Huur-Tu s’appuient aussi sur une instrumentation traditionnelle qui se situe non loin de la guimbarde, du luth ou de la vièle. Un album à découvrir, si ce n’est déjà fait.