Quarante ans : émouvante longévité que celle du trio Humair-Urtreger-Michelot (dms/p/cb). Quarante ans au cours desquelles l’on sait quelles révolutions successives agitèrent ce discret laboratoire de l’air du temps qu’est le jazz. L’année même du premier enregistrement du trio HUM, Ornette Coleman fiche toute notion de genre, de système et même de révolution par terre avec son Free jazz (1960) qui, après Schönberg dans le classique et Picasso en peinture, définit aujourd’hui encore la ligne de partage entre les protagonistes : la réflexion ou la loi des sens.

1960 donc. En septembre, le Suisse Daniel Humair est âgé de 22 ans, René Urtreger de 26, Pierre Michelot de 32. Tout juvéniles qu’ils sont, les trois comptent déjà parmi les meilleurs relais du post-bop en Europe. Le premier CD du coffret reprend l’intégralité de l’enregistrement effectué à l’époque au Club Saint-Germain. Les compères y apparaissent bien davantage que de petits Blancs émoustillés, appliqués dans leur imitation des maîtres américains, débonnaires mais lointains lors de leurs passages à Paris. Il y a, à défaut d’un ton résolument indépendant et par-delà la technique, une assimilation exemplaire de l’essentiel : la liberté et la souplesse (Monsieur de, Well you needn’t).

Juin 1979. Du free qui aura légitimé -fini même par rendre assez ordinaires- toutes les subversions imaginables tout au long de la décennie, on peut dire que le trio est un contre-adepte, au sens où, s’il lui a été impossible d’ignorer lesdites subversions, il a fait délibérément le choix d’une fidélité à la limpidité et à l’harmonie classiques. La conscience mature des bouleversements opérés est pourtant bel et bien là, et par à-coups, entre les mémoires conjuguées de Monk, du blues ou de Bill Evans, demeure la tentation de le prouver (Airegin). La renommée de chacun des trois acolytes occasionnels étant dès lors bien établie, c’est la somme ludique de trois individualités compatibles qui frappe sur ce disque, et non plus la complémentarité exceptionnelle de trois jeunes gens dans le vent.
Février 1999. Le discours est recueilli, économe, tantôt introspectif (Humeurs), tantôt léger (Hum-oiseau), toujours attendri dans le souvenir en tout cas. Bref, tout le charme de la distance sereine, tout un confort de désillusion bien d’époque.

Daniel Humair (batterie) ; René Urtreger (piano) ; Pierre Michelot (contrebasse)

Un coffret de 3CD comprenant deux rééditions d’enregistrements de 1979 et 1960 :
1-1999 (Enregistré à Paris en février 1999)

1) Humeurs – 2) Ballade gourmande – 3) You’d be so nice to come home to – 5) Impromptume – 6) Le troisième hum – 7) Serena – 8) Peter’s dream II – 9) Hum-oiseau – 10) Promenade gourmande – 11) Everytime we say goodbye – 12) Airegin

2-1979 (Enregistré à Paris en juin 1979-Carlyne Music)
1) Thème pour un ami – 2) All god’s chillun got rhythm – 3) Ballade au musehum – 4) Blueshum – 5) The Duke – 6) Airegin – 7) Didi’s bounce – 8) Hum Calshum – 9) It could happen to you

3-1960 (Enregistré à Paris en septembre 1960 au Club Saint-Germain-Vega)
1) Just one of those things – 2) Bye bye black bird – 3) Ah moore – 4) Monsieur de… – 5) Well you needn’t – 6) Laura – 7) Airegin – 8) C.T.A.