Dans le genre un petit tour de hype et puis s’en va, le nu disco se pose pas mal là : à quand remonte par exemple votre dernière requête Google des termes « Bear funk », « Full pupp » ou même « Todd terje » ? Combien de fois avez-vous écouté l’album des Glimmers ou le troisième volume de la série des Milky disco ? Avez-vous seulement entendu parler de Ilja Rudman, Roberto Auser ou des Diaphanoids ? A compulser les agrégateurs de webzines branchés et les newsletters de Boomkat, il semblerait que le plasma imbibé dans la tête des fumeurs de sons, images et fragrances de la période 78-83 aient muté en des formes bien plus anxiogènes et futurophobes (voir le fétichisme total de la bande de Daniel Lopatin ou les bidules illisibles des copieurs pas inspirés de James Ferraro). Et c’est un peu dommage : entre la montée de pression (plus que méritée) autour du premier LP de Lindstrøm en 2006 et l’ignorance polie autour de l’album éponyme (certes pas terrible) de Prins Thomas l’hiver dernier, le petit tsunami esthétique déferlé depuis Oslo avait de la gueule et de la grâce, et a laissé bien plus qu’une poignée de bons petits albums (et une grosse pile de médiocres) dans son sillon, puisque c’est à lui qu’on doit le retour des grands espaces sur les dancefloors.

Découvert avec quelques maxis typiques sur Electric Minds et le défunt Dissident, Gatto Fritto (alias le Britannique Ben Williams) boucle son premier album pile-poil au moment du décès avéré du mouvement (l’ami Hans-Peter est toujours aux abonnés absents et le gamin Diskjokke publie un mignon petit disque d’ambient post Biosphere avec un ensemble de gamelans) mais son sens du timing est plus opportun qu’il n’y paraît. Sans trop de disques similaires dans les oreilles ces six derniers mois, ce premier album pour le label uruguayen International Feel s’offre effectivement sans fard contextuel et sans entrave, et s’écoute pour ainsi dire sur pièces : soit un disque riche et touffu à la limite du trop plein, bricolé sur machines d’époque avec passion et juste ce qu’il faut de roublardise pour faire chauffer la machine à paradoxes. Les références sont peu ou prou toujours les mêmes (la frange délayée et chargée en percussions du disco électronique européen, le soft rock californien, les cosmic tapes de Daniele Baldelli l’ambient house du début des 90s) mais le Britannique les réchauffe, les manipule et les chante avec suffisamment de gouaille et d’entrain pour arriver à nous faire croire à son alliage comme s’il était le premier sur le coup. Bizarrement, il offre aussi peu de valeur ajoutée aux étalons des grands frères, optant même sur les morceaux les plus dispensables (The Hex, le déjà classique Invisible college) pour une architecture sonore exactement calquée sur celle de Lindstrøm. C’est assez dommage parce que quand il se hasarde dans des eaux plus troubles (Grinding of the brakes), plus pop (Lucifer morning star) ou franchement synthétiques (le final Beachy head), son sens singulier de emphase et son audace lyrique font plutôt mouche. Du coup, on est à peu près certain que la prochaine étape sera la bonne.