Il est arrivé un sale coup à Frank Black… Atteint de melonite aiguë, il s’est fait kidnapper par des petits hommes verts qui se sont dépêchés de lui greffer des neurones de redneck. D’où un troisième album, The cult of Ray, ridiculement « rock’n’roll attitude » (à prononcer à la Philippe Manœuvre) mais sur lequel on pouvait piocher deux ou trois belles fulgurances du passé. Malheureusement, depuis son quatrième opus, Frank Black And The Catholics, c’est la cata… Les méchantes cellules de plouc se sont métastasées et, de roi de l’indie-rock, Frank Black est passé King Of The Hill, chantre d’un rock réac qui sent le fumier et la mauvaise bière.

Sur ce Pistolero, il n’y a vraiment pas grand chose à gratter, pas la moindre réminiscence de l’ébouriffant songwriter que fut Frank Black, même pas le vaguement clashien I switched you, qui vomit ses riffs de bourrin sur 5 minutes interminables. Depuis quelques années, le talent de Frank Black tournait en rond, aujourd’hui, il tourne à vide. Toujours ces ballades country-isantes sans intérêt (You’re such a wire), ces ritournelles pop-punk idiotes (I love your brain) ou ces incroyables fautes de goût hardeuses (I want rock’n’ roll, argh !). Avec le maximum d’indulgence, on pourra sauver du massacre l’agréablement folkeux 85 weeks, petite chose insignifiante, sans prétention mais « écoutable », ce qui n’est déjà pas si mal sur un album qui file la nausée… Sans parler du son pourri 2-pistes-ça-fait-lo-fi qui voudrait se faire passer pour un retour aux racines -l’ascétique et révolutionnaire Come on pilgrim des Pixies. Malheureusement, manquent la fraîcheur et la légendaire débrouillardise des farfadets de Boston. Les Catholics, eux, n’ont pas inventé l’eau bénite, se contentant de « surjouer », ivres de leur propre « virtuosité » -si on peut dire-, juste bons à donner des concerts sur une meule de foin…

Si Frank Black ne jouait pas sur notre faible inconscient le rôle de la grosse madeleine proustienne de nos écoutes prépubères, il y a sans doute longtemps qu’on l’aurait enterré dans la fosse commune des rocks-stars égarées par leur ego. Peut-être faut-il se faire violence dans l’attente improbable d’un revirement de l’idole indé, mais attention : l’écoute prolongée de Pistolero provoque une bedaine de buveur de Budweiser.