Il se cache derrière ce titre second degré-ringard (franchement, Ça chauffe en Suède !, question élégance…) une jolie histoire comme il s’en passe occasionnellement au pays des faiseurs de disques. D’un côté, un trio de Suédois inspirés, créant inlassablement depuis 13 ans, et sans se soucier des modes, la musique qui leur plaît. De l’autre, un label (Tricatel) et son boss, le tout aussi inspiré Bertrand Burgalat, qui sort la musique qu’il aime, sans se soucier des critiques. Pour l’heure, le résultat a pris la forme d’une compilation-sampler d’Eggstone, regroupant singles et morceaux choisis des trois albums jamais sortis en France. Pas de flirts trop prononcés ici avec le génie, mais de très bons moments en perspective, du charme rétro déployé à go-go et une plongée en plein univers Tricatel, pays hors du temps où l’on se fiche pas mal qu’il faille bientôt enterrer un millénaire.

Les trois Eggstone ont dû se goinfrer de pop britannique dès qu’ils ont été en âge de dire « vinyle », citent en vrac The Jam ou les Smiths parmi leurs initiateurs et méritent d’être faits citoyens d’honneur du Royaume-Uni tant les anglophiles saliveront en entendant leurs confections sonores. Poussant très loin le sens du détail, le chanteur-bassiste va même jusqu’à copier le phrasé léché d’une pop-star blasée et décadente, spécialité de nos amis britons. Agrégat raffiné de Suede (sans jeu de mots), Pulp et les Housemartins-Beautiful South, Eggstone ne se contente pas de faire de la pop. Les Suédois voyagent dans le temps et alignent des chansons dont les rythmes chaloupés, les arrangements Fab Four, les violons suaves et autres synthés couplés à des tambourins, mettraient en joie Austin Powers à l’heure de son cocktail quotidien. On imagine d’ailleurs le play-boy/espion secouer les franges de ses fringues made in Carnaby Street sous les facettes d’une mirror-ball au son d’Against the sun. Ou allumer la petite sœur de Twiggy, profitant des tempos plus doux de She’s perfect. Sevrés de soleil et de ciel bleu, les garçons venus de chez les Cardigans empruntent aux Beach Boys, époque surf, leurs thèmes de prédilection (See the good things et quelques autres…) : météo souriante, chaleur, jolies filles, etc. pour un résultat forçant la bonne humeur.
Parfois, Eggstone parvient à exsuder la même délicatesse sonore que Stereolab. Parfois, le groupe donne dans le pré-disco bon marché un peu banal. Le gros inconvénient de ce sampler demeure sa longueur : dix-neuf titres pas toujours réussis, ça finit par lasser… mais on attendra quand même d’écouter leur premier album chez Tricatel, prévu à l’automne, pour juger.