Avec un nom pareil, Einojuhani Rautavaara ne peut renier son pays natal, la Finlande. Il y écrit une musique accessible, vivante et ludique, qui pourtant ne désavoue pas notre siècle. Au fil d’une vie musicale remplie d’expériences multiples, Rautavaara a bien retenu les leçons du métissage. Il a en effet étudié aux Etats-Unis (Julliard School de New York et Tanglewood), en approchant notamment Aaron Copland, puis est revenu en Europe (études au conservatoire de Cologne, puis à Ascone) avant de retrouver sa ville natale Helsinki. L’exil est le sort de tous les grands musiciens finlandais, étrange peuplade de quelques millions d’âmes perdues aux confins de l’Europe et qui produit des artistes extraordinaires. Un label -Finlandia Records- les défend sur la scène mondiale depuis 1979. Sibelius bien sûr, mais aussi de jeunes compositeurs et interprètes de tout premier plan, tels Magnus Lindberg, Esa Pekka Salonen ou Jukka-Pekka Saraste.

On pourrait s’interroger longtemps sur la place centrale de la musique contemporaine dans la vie culturelle finlandaise. Le festival d’Helsinki, dont Rautavaara est un des grands parrains, réunit en effet des milliers d’auditeurs, bien au-delà du public habituel de ce genre d’événement. Vladimir Ashkenazy consacre aujourd’hui l’essentiel de son temps à la direction d’orchestre. Les mélomanes ne peuvent oublier qu’il fut au début des années 60 l’un des virtuoses les plus brillants, une sorte de bête de concours (il a gagné le concours Reine Elisabeth de Belgique, le concours Tchaïkovski à Moscou et fut lauréat du concours Chopin de 1955 -il avait 18 ans !). En commandant ce concerto pour piano à Rautavaara, il acceptait de marier ses activités de chef d’orchestre et de pianiste. Dirigeant du clavier, Ashkenazy retrouve un principe qui présida à l’esprit du concerto mozartien. Le résultat est absolument prodigieux. Cette musique semble tourner dans l’air du soir et emprunte d’ailleurs son titre, Gift of dreams -« le don des rêves »- à Baudelaire (dans le poème « La mort des pauvres » que Rautavaara avait mis en musique il y a une vingtaine d’années). La contemplation alliée au lyrisme, le discours puissant, le dialogue toujours libre entre le piano et l’orchestre, la virtuosité sans ombre d’Ashkenazy enfin sont formidables. Ils renvoient les mélomanes aux grandes fresques des compositeurs russes (Kabalevski ou Chostakovitch).

En complément de programme, on pourra écouter pour la première fois Jardins d’automne, œuvre qui croît et décroît au rythme des saisons, ainsi qu’une conversation amicale entre le compositeur et son interprète (en anglais). Conversation à bâtons rompus où il est question de musique bien sûr, mais surtout d’une évidente amitié nourrie par leur passion commune.