Avec Dub Thompson, les choses sont claires: l’album s’appelle neuf chansons. Et il y a « dub » dans le nom du groupe. Facile. Sauf que. Un coup d’œil à la tracklist et on crierait presque à l’arnaque: huit chansons. Puis à l’oreille, la confirmation que le son est dub disons de loin -même si à l’évidence on triture ici les bandes. Enfin c’est le terme songs qu’on pourrait lui-même questionner… Et ces Thompson, c’est qui, d’abord ? Deux même-pas-vingtenaires californiens, Evan Laffer et Matt Poulos, des jeunes gens qui de leur propre aveu aiment un peu trop Can pour leur âge et préfèrent se définir comme issus de la scène de Santa Barbara aux côtés de Dante Elephante ou des surf-garagistes The Trashberries plutôt que comme le tout-venant angeleno.

On nous apprend que Jonathan Rado de Foxygen les a hébergés durant l’enregistrement de leurs morceaux. Peut-être ont-ils gardé un peu du côté fake du groupe de leur roommate mais au moins ne poussent-ils pas à l’ombre de géants contemporains (coucou, MGMT).

Leur son, d’emblée, est autrement revêche: dès le début, le rythme poisseux ouvrant Hayward! promet un blues tomwaitsien , quand soudain surgissent guitares à la Dick Dale, effets heavy et esprit DIY, le tout sur les cafouillages soniques de désarmants branleurs. Des neo-slackers dont on a l’impression de visiter en shuffle la bibliothèque iTunes et qui enchaînent avec l’obsédant No Time, tout en boucles et cassures, tout en ritournelles parasites. « No time »: on n’a pas le temps, ou plutôt, le temps n’existe pas.

La substance préférée de Dub Thompson, c’est à n’en pas douter la colle. Et pour son usage premier: assembler des bouts. Faire tenir ensemble – pas toujours proprement, et c’est tant mieux- des genres récupérés. Garage, surf, kraut, post-punk, muzak – ne manque plus que du zouk.

Au meilleur de sa force de ravissement, on serait tenté de qualifier de sunshine punk la musique bric-à-brac ainsi produite par ces Dupont. Un punk baroque et réjouissant, donc, mais aussi un punk avec des roots: ceux qui traquent le fantôme de Hasil Adkins seraient bien inspirés de faire un tour dans les 9 songs.

Du joyeux bordel qu’est ce petit LP émergent surtout, grâce à un efficace psychédélisme, quelques morceaux dont le très drôle Dograces. On pourra alors tiquer devant une folie un peu volontariste (Ash Wednesday) qui sur la longueur tient parfois lieu d’inspiration, mais la belle énergie du final Pterodactyls (les dinosaures, ça marche toujours) donne envie de s’y replonger. Ne serait-ce que pour retrouver, encore, No Time: le disque n’aurait comporté que ce morceau qui pourrait durer des heures, il se serait appelé deux chansons et tout aurait été clair – on lui mettait six sur cinq.