Le principe : équiper tous les instruments de micro-capteurs pour modifier les timbres en direct, transformer le son d’ensemble alors même que l’ensemble est à l’oeuvre, « infléchir le jeu », « intervenir dans les compositions », bref, faire transcopuler l’acoustique et l’électronique plutôt que de se contenter de les superposer. L’idée est proche de celle de l’Electro-acoustic Ensemble d’Evan Parker, mais le résultat n’a rien à voir : là où le très radical saxophoniste anglais s’associe l’électronique pour donner un nouveau souffle à son inspiration free, le quartet Dites 33 (la fameuse injonction du médecin lorsqu’il balade son stéthoscope sur le corps du patient afin d’en ausculter l’intérieur) plonge ses racines dans l’univers coloré et éclectique coutumier aux sociétaires de l’Arfi, mélangeant folklores détournés et ethnique perverti, improvisation et nouveaux horizons. Trois instrumentistes et un bidouilleur, donc : Michel Boiton (percussions, bien connu pour ses polyrythmies renversantes chez Baron Samedi), Jean Mereu (trompette, pilier de l’Association, membre fondateur du Free Jazz Workshop et d’une bonne partie des formations de la constellation Arfi), Jean-Luc Peilhon (harmonica, clarinettes) sont confrontés aux décisions du sonorisateur Bernard Gousset, lequel reçoit les signaux qu’ils lui envoient, les traite en direct et les réinjecte dans le magma en cours d’écoulement, modelant et orientant la matière sonore dans un jeu de renvoi avec ceux qui la produisent. Le dispositif est sophistiqué mais le résultat immédiatement sensuel : du mélange des instruments classiques, ethniques (dabourka, cueca, cloches africaines et compagnie) et impromptus (appeaux, sifflets, castagnettes, grelots) et de leurs échos machiniques naît une musique onirique et difficilement situable, qui efface la limite entre l’acoustique et l’électronique en plongeant le tout dans un bain étrange dont on jetterait bien l’eau sur le décor d’un film de Caro et Jeunet. Minimaliste et fascinant, un album qui s’impose parmi les plus réussis des projets électronico-acoustiques de ces derniers temps, sans doute parce qu’un l’un des plus vivants.