« When you have eliminated the impossible, whatever remains, however improbable, must be the truth ». Conan Doyle, The Sign of four. D’emblée, ces trois CD de musique improvisée (free, noise et urbaine) s’imposent comme une des sorties majeures de 1997 dans le genre. Trois disques, trois déflagrations soniques. Deux sont enregistrés live à la Knitting Factory (Statement of the case et The Balance of probability), le troisième (The Science of deduction) en studio, le tout en 1996. Pat Metheny et Derek Bailey sont aux guitares, Gregg Bendian et Paul Wertico aux batteries et percussions, avec, bien sûr, des tas d’autres ustensiles, capables d’émettre un son (vibraphone, cloches, effets électroniques et même une bouteille de vitamines). On ne s’étonne plus aujourd’hui de voir Pat Metheny participer à ce genre d’aventure, notamment depuis Zero Tolerance for silence (1995) ou ses anciens disques de free avec Ornette Coleman.

Le résultat est pour le moins saisissant ! Le premier disque, par exemple, sorte de fresque apocalyptique, de magma en fusion qui déferle, empile couches sur couches de larsens sur-saturés pendant un peu plus d’une heure… Oreilles sensibles s’abstenir, vous allez souffrir : « This is not music to roller-skate by », comme il est écrit dans les notes de pochette du Out to lunch d’Eric Dolphy. Et pourtant, quelle expérience ! Ici, pas d’avant-gardisme outrancier, pas de pose, pas de jeu de scène (c’est pourquoi les disques s’écoutent si bien chez soi, le live ne fait pas de différence avec le studio), rien qu’une suite d’images aussi variées que violentes, multiples que brutales (seul le second disque, moins noise, moins saturé, propose une accalmie dans la tourmente). En effet, les guitaristes ne jouent pas de mélodies ni d’accords. Leur jeu est basé sur les timbres et les dynamiques, très variées pendant les morceaux (on n’est pas chez Glenn Branca !). Idem pour la rythmique, sans pulsation fixe, toujours changeante.
Le résultat est une fascinante mosaïque de battements qui s’interpénètrent, de motifs qui se croisent. Ainsi leur production de son se rapproche-t-elle de l’art pictural. Et on se sent en effet à l’écoute de ces trois disques (à consommer avec modération, à moins d’être coutumier des boissons fortes) tout petits, anéantis, comme assis sur un minuscule tabouret devant un triptyque énorme, écrasant et génial. Comment font-ils ça ? Ils s’assoient et jouent de leurs instruments. Élémentaire, mon cher Watson.