Alors, il va bien falloir y aller à la critique de ce Hours, et en dire, pour être honnête, plutôt du mal. Une certaine forme de déception vis-à-vis d’un artiste qui a fait rêver et fantasmer deux bonnes générations d’amateurs de musique, et qui semble, aujourd’hui, commencer à accuser, de manière assez brutale, le poids des ans. Il faut dire, pour être honnête jusqu’au bout, que Bowie avait connu un drôle de parcours depuis le milieu des années 80, en perdition -en tout cas en perte d’intérêt- musicale jusqu’à la réaction Tin Machine, qui n’avait pas pour autant convaincu tout le monde, avant de servir un intrigant Outside puis un surprenant et assez prenant Earthling, bien calé sur la vague technologique.
Hours, dont Bowie dit lui-même qu’il a voulu « essayer de composer des morceaux pour [sa] génération », marque un retour vers les compositions pop, même si la production reste ouverte aux avancées de ces dernières années en matière de son. A ce sujet, d’ailleurs, il semble bon de préciser que Bowie a totalement relifté le son de Hours en quelques jours cet été à New York, modifiant pas mal la copie qui avait été élaborée en compagnie de Reeves Gabrels.

Le résultat ? Une entrée en matière avec Thursday’s child -premier single sorti avant l’album- et un Bowie assez paresseux, mais qui reste tout de même Bowie : le titre est sauvé par sa voix, astucieusement placée en décalage de ton par rapport à la mélodie. Something in the air est clairement l’un des grands ratages de Hours, en première intention sans doute, mais tellement banal que l’on se demande si c’est bien David Bowie que l’on écoute. Survive nous offre un Bowie à l’ancienne, gratte sèche par derrière, et le grain de voix qui chatouille le slop. Par contre, lorsque Reeves Gabrels s’avance, arme électrique en bandoulière, c’est pour alourdir inutilement le morceau. Finalement, un morceau avec une seule idée, c’est peu, mais c’est déjà ça. Gagné au savoir-faire. If I’m dreaming my life -le titre qui donna lieu a un concours sur le site de Bowie, et dont le gagnant est Alex Grant, né dans le Wisconsin, ce qui lui a permis de co-signer le titre avec le grand petit homme-, n’est pas le pire de l’album. Bowie y adopte un ton grave, et pour le coup, Reeves Gabrels, qui reste un peu en retrait, arrive plutôt pas mal en contrepoint. Il impose quand même un petit solo, qui a peut-être le mérite de provoquer le maestro, dont la voix se rebelle, avant de se la jouer slow.

Seven est marqué, et c’est la seconde fois sur le disque, par la mise en avant de la guitare sèche, et on a un peu l’impression que là, Bowie veut nous forcer à l’apprécier pour un son qui l’a très fortement identifié… mais c’était il y a près de trente ans. Les paroles, puisqu’il faut en dire un mot, ne sont toujours pas le point fort de Bowie ; du moins convoquent-elles la nostalgie -tonalité générale sur Hours-, notamment lorsqu’il nous sert : « I forgot what my brother said / I forgot what he said / I don’t regret anything at all ». Il s’en sort par une certaine forme de sobriété. Sur What’s really happening, on se s’attardera pas, c’est juste le retour de Reeves Gabrels le lourdingue. D’autant qu’il y a un peu plus à dire sur The Pretty things are going to hell, l’un des meilleurs titres. Assez enlevé, il permet à Gabrels d’être un plus dans le ton, à Bowie de se lancer, d’arrêter en tout cas de se la jouer à l’économie. C’est marrant d’ailleurs, on pense un peu à Iggy Pop, période du retour en grâce avec gros son. C’est sans aucun doute l’ouverture rock que l’on attendait dans cet album trop matelassé, trop confortable, comme cadenassé de l’intérieur.

Mais juste derrière, New angels of promise vient éteindre la lueur d’espoir vite fait : un moment d’égarement total, la mayonnaise ne prend à aucun moment. Brillant adventure, un instrumental assez touchant, sobre, reste anecdotique : il introduit en fait The Dreamers, dernier titre de Hours, et l’un des plus intéressants, malgré la production sans un gramme de finesse. Et si l’on fait les comptes en fin de parcours, deux bons titres, trois autres corrects, c’est quand même très peu, non ? On est un peu triste, sans doute, pour Bowie, qui semblait vouloir faire l’effort de s’offrir sans fard ; on préférait quand même la version glam, combi à paillettes et eye-liner coulant.