En quatre années, la fournée de parutions étiquetées Blackest Ever Black a régulièrement apporté un supplément d’âme, une aura un peu miraculeuse dans le continuum de l’ère de l’embedded Soundcloud. Au compteur, quelques beaux faits d’armes, justes et marquants, et un roster rempli à craquer de patronymes aux résonances savoureuses. Kiran Sande, tête pensante du label, sait très bien s’entourer, et notamment des hérauts de la reconquête industrielle et de l’expressionnisme penchant tout droit vers l’obscur. On cite rapidement et dans le désordre Regis, Prurient, Pete Swanson ou Tropic Of Cancer… sans pouvoir s’empêcher non plus d’acclamer au passage, la réédition du définitif Flaming Tunes de Gareth Williams & Mary Currie ou le désormais fameux Quarter Turns Over A Living Line de Raime.

Marc Dall et Alex Ander, les deux fiévreux écossais se cachant derrière Dalhous, s’inscrivent plutôt bien dans cette jolie lignée tracée par BEB. Eux non plus, à vrai dire, ne brille pas par excès d’optimisme. Le corpus extra musical, balancé à longueur d’interviews et lourdement insinué en notes de bas de pages, est un brin chargé : suicide sur campus (Mitchell Heisman, EP siglé du nom d’un étudiant en psychologie laissant derrière lui une singulière suicide note de 1905 pages), santé mentale en carafe, références spécieuses et appuyées à Ronald D. Laing (chantre de la dissidence anti freudienne un peu oublié de l’histoire). Okay, ça fleure franchement le malaise existentiel. Mais l’on peut dire au moins que ce spleen tourbé et parfumé des embruns des Cornouailles nourrit généreusement le nouveau disque de Dalhous.

A l’écoute, on ne peut que penser à cette grande famille gloutonne en tape hiss et friande d’une hypnagogie à tendance un peu baba. La comparaison quoique fort usitée et fatiguée s’impose malgré nous régulièrement aux oreilles, la faute aux mélodies troubles et au ripolinage de nappes au ralenti. Les camarades scottish de Boards Of Canada habitent comme des fantômes, les petites scénettes de Will To Be Well.

Les outils sonores en œuvre, eux, évoquent plein de choses, et surtout la fascination pour la dégradation du support et de l’enregistrement (sampling, resampling, re-resampling jusqu’à la disparition du signal – on songe aux spectres bienfaiteurs de Leyland Kirby et de Robert Turman). Résumé rapide : repli sur soi et musique électronique pré-technologique. Tout est bon pour planter cette mélancolie écossaise dans toute sa splendeur : laidback et confortablement installée sur une stase d’ambient crépusculaire, anxieuse mais pas foncièrement désagréable. Un peu snob, on ne saurait malgré tout retenir un léger sourire en coin lorsque quelques beats disgracieux à légère tendance trip-hop s’abattent soudainement dans les parages. Le bruit comme accident de parcours volontaire, le souffle en artefact systémique, le maximalisme dans l’art de la surcouche, assoient de part en part le déferlement continuel d’ornementations mélodiques un peu timides. On n’est pas foncièrement mécontent du voyage, mais pas très surpris non plus, malgré le fait d’avoir croisé quelques dignes et jolis fantômes au passage.

Un autre extrait à écouter ici :

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