Le post-rock aura sans doute aucun marqué ces dernières années musicales de son sceau gris et post-industriel. On y aura aussi trouvé du pire comme du meilleur, devenant très vite une étiquette fourre-tout où se démêlent opportunistes à la dérive et créateurs de génie esseulés. De cette marée montante, rares sont ceux qui ont subsisté plus d’un album (ou même d’un maxi) à persister et signer d’autres réussites, sinon musicales, du moins commerciales. Alors que Tortoise s’est imposé au grand public avec son album le plus suave (le mal nommé TNT) comme LE groupe du post-rock, les apôtres d’un soi-disant Chicago Sound ont tenté de rattacher vainement tout groupe plus ou moins planant et instrumental à de telles locomotives. Une telle démarche a sonné vite le glas d’un genre trop hâtivement défini.

Dans la bouillie musicale qui s’en est ensuivie, un groupe comme Dakota Suite ne s’en est pas particulièrement bien sorti avec son premier album gentillet et naïf d’étudiants de high school sur le retour. Le deuxième opus qui vient de paraître atteint par contre un tout autre niveau. Adieu les schémas prédigérés et prescrits par le guide du petit post-rockeux de base, place à des mélodies pensées, à une instrumentation large mais parcimonieusement servie (cello, guitares, pianos, violons, basse et clarinettes s’égrènent avec délicatesse) mais aussi et surtout à une musique totalement acoustique qui à défaut d’être rock tend vers le post-far-west -tiens ça ferait un beau nom…

De la délicatesse donc dans des mélodies éthérées, étirées, sous-jacentes qui « ambientisent » un espace sonore qui laisse la part belle aux souffles, aux respirations, à ces pauses musicales infinies qui tendent vers un vide multidimensionnel si rafraîchissant. Non ce n’est pas franchement gai et alors ? Navigators Yard est avant tout une parenthèse esthétisée, un souffle continu aux confins du jazz intimiste des Lounge Lizards et du rock made in God Speed You Black Emperor. Peut-être pas des références diablement identifiables mais peu importe. Privilégier l’ambiance et l’affect.