La diva aux pieds nus emporte sa légende de l’autre côté de l’Atlantique, le temps d’un disque. Celle qui incarne désormais le Cap-Vert, ses amours et ses angoisses insulaires, a décidé de traverser l’Océan pour saluer une île soeur (Cuba), un pays frère (le Brésil), avec cette voix de mama cajoleuse qui en a vu d’autres et qui continue à camper merveilleusement la saudade. Car toute sa force est là. Vous aurez beau changer les orchestrations, il suffira d’une note pour que sa voix résume la vie et le monde. Une voix qui sublime sur cet album, une fois encore, les charmes de São Vicente, là où le rêve continue de semer ses graines, après bien des années de galère… passées sur le port, dans les bars et les cafés de Mindelo. Morna ou coladeira, sa musique se veut toujours nostalgie du départ et chant du retour. Le chômage pousse les gens à partir du sol natal pour aller tenter leur chance ailleurs. Mais une fois à l’étranger, ils n’ont plus qu’une envie : retourner sur leurs pas. Normal donc que le sujet interpelle autant Cesaria…

Un album somptueux. Enregistré entre Paris et la Havane avec Bau et ses musiciens pour la partie capverdienne, il a bénéficié du savoir-faire de quelques esthètes du son cubain et de la collaboration de Jacques Morelenbaum, un arrangeur brésilien, excellent violoniste, déjà entrevu aux côtés de Caetano Veloso. Quelques perles au hasard. Passé entre les doigts du flûtiste Orlando Valle, Beijo de Longe salue la rythmique du danzon dans toute sa candeur. Un des violonistes de l’Orquesta Aragon apporte sa touche à deux titres (Flõr di nha esperança et Perseguida). L’album est placé sous le signe de la rencontre musicale et expérimentale. On retiendra la place essentielle qui est donnée aux cordes et aux cuivres. La petite cavaquinho traditionnelle daigne offrir à d’autres pratiques instrumentales, venues d’ailleurs, le droit de servir la voix de Cize*. On notera ainsi la présence de Djelli Moussa Diawara, qui introduit quelques notes cristallines de kora avec amour sur Desilusão dum amdjer. Tube en puissance, Carnaval de Saõ Vicente annonce par ailleurs les couleurs festives d’un joyau qui se veut fondamentalement capverdien, malgré son ouverture évidente. Cesaria s’invite dans un café imaginaire. Avec elle s’exhibe le parfum de l’exil. Tout en douceurs.

* le petit nom de Cesaria