Dernière production en date du label décalé Noise MuseuM, Invasion of est le quatrième album de Matthieu Maire -bidouilleur lo-tech notoire et créateur de l’entité musicale Celluloïd Mata. Aussi puissant et radical que ses prédécesseurs, ce disque constitue une nouvelle preuve que la scène électronique française ne se résume (heureusement) pas qu’à cet amas de sons stériles nommé « french touch ».
Avec sa sobre panoplie d’instruments, le musicien infatigable explore ici à nouveau les abyssales possibilités de la saturation et des mouvements répétitifs. Oscillant très naturellement entre une brutalité extrême et des morceaux d’ambient paisibles, Invasion of est entièrement axé sur un minimalisme absolu, dont on ne capte les richesses qu’après maintes écoutes. Grâce à d’infimes détails -bien trop subtils pour être remarqués au premier abord-, les morceaux désincarnés de Celluloïd Mata réussissent subitement à prendre vie pour envoûter l’auditeur. A partir du moment où l’on remarque les lentes arrivées de nappes dans Rhizome, ou les légères variations de volume sur Shore (aussi anecdotiques puissent-elles paraître), on ne perçoit alors plus de la même manière l’univers sonore dans lequel elles sont noyées… Sur Convex, les textures des rythmiques paraissent se modifier lorsque les sons synthétiques graves et suraigus qui y sont greffés s’effacent brusquement… Ainsi, les boucles répétitives de ces longs instrumentaux donnent l’illusion de se métamorphoser progressivement. Par de subtils phénomènes trompeurs, cette musique pousse à remettre en questions les sonorités entendues…

Mais si Celluloïd Mata joue autant avec notre perception, ce n’est pas uniquement pour charmer l’oreille de chacun. A certains moments, les dissonances extrêmes et les boucles assassines de Invasion of se révèlent être une véritable agression auditive. Citons à titre d’exemple Synd altered rains imago et Cyborg colony, où les soudaines variations de structures perturbent l’auditeur, au point de briser chez lui l’effet d’hypnose créé par les phénomènes de répétitions… En plus d’assommer avec toutes ses rythmiques bruitistes et marteleuses (à rendre fou de jalousie plus d’un musicien d’indus’), Matthieu Maire pousse donc le vice jusqu’à nous déstabiliser en jouant avec nos propres sensations. Ecouter ses intenses compositions demeure donc une expérience éprouvante, dont on ne ressort peut-être pas toujours indemne.