Colonisé cinq siècles durant par le Portugal, l’Angola fut le premier pays d’Afrique à découvrir la guitare, ce qui explique sa prégnance dans le paysage musical. Virtuoses, les guitaristes utilisent des modes mineurs pour adapter les rythmes et les sons des percussions traditionnelles, notamment la dikanza (reco-reco). Dominé jusqu’en 1975, l’Angola est également pétri de cette mélancolie lusitanienne qui s’étend de Lisbonne à Rio, de Luanda à Mindelos : la saudade trouve dans les sembas et les lamentos son expression locale. Les guitares guillerettes placent ainsi la musique angolaise entre la samba brésilienne et les coladeiras cap-verdiennes.
Enregistré en janvier 2000 à Luanda par Ariel de Bigault, spécialiste des musiques lusophones, Canta Angola a été gravé en même temps que se tournait le documentaire éponyme, diffusé il y a quelques semaines sur la chaîne Muzzik.
Parcours en 14 titres de la musique angolaise actuelle, les morceaux de Canta Angola vont du zouk au plus mélancolique semba, et proviennent de tous les confins du pays.

Métissés sont les morceaux de Carlos Burity, Lamento do Contratado et Congalia, dans lesquels on perçoit des influences zaïroises, et dans Congalia, un son cuivré qui évoque Cuba. Les bonnes relations avec Cuba, allié du régime en place, ont permis à de nombreux chanteurs d’aller enregistrer à La Havane : si ce n’est pas le cas pour Burity, les influences sont venues à lui, et rappellent Sao Vicente di longe, dernier opus « cubanisé » de Cesaria Evora. Le semba cadenciado Xicola, de la Banda Maravilha, est également une balade vers les Caraïbes. Simmons Massini, jeune guitariste, livre deux facettes de son talent, hommage aux guitaristes angolais dans Nascer de novo et aux grands noms occidentaux dans Suspiro de um povo. Même exercice dual pour Paulo Flores. Guitare légère et rythmes chaloupés dérivés de ses premières amours, le kizomba, l’afro-zouk angolais dans Serenata a Angola ; ton mineur et tempo doux, retour à l’acoustique d’une guitare égrenée de main de maître par Carlitos Vieira Dias, dans l’émouvant Poema do Semba. Dans Canto a Luanda, un instrumental, Carlitos signe le plus mélancolique et intemporel semba de l’album.

C’est l’autre carte jouée dans Canta Angola : les sons traditionnels. Moisés et José Kafala, duo dans la lignée du Ngola Ritmos, ont créé un style à part, adaptant notamment le nhatcho, jeu de trois percussions donné lors des funérailles à Benguela, dans le centre-sud de l’Angola, Catito. La ballade Africa, flûte et folk, tend vers la musique spirituelle, alors que Kumbi Njenda, du trio Akapana, originaire de Lubango dans le sud du pays, est à la fois inspiré de rituels traditionnels -chasse, mariage, funérailles- et habillé de modernité. Prédominance des percussions -reco-reco, ngombo, bate-bate- et tradition kimbudu dans Doença do Sono, des Ndengues do Kota Duro, tiré des fêtes funéraires telles que le bukula. Nascer de novo, dit un morceau de l’album : toujours renaître, ainsi va la musique angolaise.